L’assassinat à Kidal des deux journalistes de Radio France Internationale souligne le dilemme auquel est confrontée la politique française au Mali. Ce dilemme n’est pas nouveau. Il était à l’esprit de François Hollande quand il a ordonné l’opération Serval au début de cette année. En lançant les forces françaises contre les djihadistes du nord du Mali qui menaçaient de fondre sur la capitale Bamako, le président de la République savait qu’il pouvait mettre en danger la vie des sept otages français retenus dans la région. Toutes les précautions ont certes été prises pour que l’intervention militaire française ne précipite pas une issue tragique. Mais surtout François Hollande a pris une décision de principe : les intérêts stratégiques de la France et du Mali imposaient de passer à l’action.
L’opération Serval, menée par 3000 soldats français qui suppléaient une armée malienne en pleine déconfiture, a été un succès. Elle a sans doute été moins facile que ne le pensaient certains experts mais en moins de deux mois, l’armée française avait repris le contrôle du nord du Mali et en avait chassé les djihadistes. L’élection présidentielle a pu avoir lieu au Mali dans les délais prévus, même si la participation a été très faible dans le Nord. Un scrutin législatif devrait avoir lieu le 24 novembre.
On est pourtant loin d’une véritable « normalisation ». Les djihadistes ont été dispersés mais ils n’ont pas été anéantis. Dans le Nord, à Kidal où les journalistes français ont été enlevés et assassinés, « l’ordre » – si ce mot a un sens –, est assuré par les anciens rebelles du MNLA, le mouvement de libération des Touareg. L’armée malienne est absente ; les soldats français et la force internationale de l’ONU, la Minusma, sont simplement en appui autour de la ville.
Des renforts français vont arriver depuis la région de Bamako. Le contingent français ne devrait pas dépasser les 1500 hommes qui sont encore au Mali et qui peuvent compter sur l’appui de forces stationnées dans la région.
Le dilemme de François Hollande au Mali est le même que celui affronté depuis douze ans en Afghanistan. L’intervention française au Mali comme l’intervention internationale en Afghanistan a perturbé les plans des terroristes islamistes. Elle les a empêchés de prendre le pouvoir – au Mali –, comme elle les a chassés du pouvoir – en Afghanistan. Mais ni l’un ni l’autre de ces engagements militaires n’ont résolu le problème de fond. C’est-à-dire la construction d’un Etat capable de fonctionner et d’associer différents groupes sociaux, ethniques ou religieux.
A son arrivée à l’Elysée, François Hollande a décidé que la présence militaire française n’avait plus de sens en Afghanistan. L’année prochaine, les forces internationales combattantes, y compris américaines, vont se retirer, ouvrant la voie au retour des talibans à Kaboul.
L’engagement français au Mali connaitra-t-il le même sort ? Le pire n’est pas toujours vraisemblable. Le Mali est peut-être mieux armé que l’Afghanistan pour sortir de sa situation d’Etat failli, avec l’aide de la France et, si possible, de l’Union européenne, à condition que les Européens comprennent enfin que la stabilité du Sahel n’est pas une lubie de Paris mais un intérêt supérieur de l’Europe toute entière. Quoi qu’il en soit, il ne peut s’agir pour la France et ses partenaires, d’une action ponctuelle mais bien d’une affaire de longue haleine.