Du bon usage d’Obama en politique française

Historien et directeur de recherches à la Brookings Institution de Washington, Justin Vaïsse s’interroge dans le numéro de la revue Esprit sur les obstacles que rencontrent en France les « minorités visibles » pour s’imposer dans le monde politique, en analysant les différences avec les Etats-Unis.

Sa conclusion : si l’on veut favoriser l’émergence de candidats minoritaires de talent éligibles dans les prochaines années, il faut à la fois améliorer l’accès des jeunes issus de « minorités visibles » aux grandes écoles, ce qu’a fait Sciences Po depuis 2001 notamment, et surtout ouvrir de façon volontariste le système politique français. Pour cela, les recommandations de type « CRAN », en faveur d’une promotion active de la diversité, qu’on l’appelle « discrimination positive » ou non, paraissent nécessaires.

S’il n’est pas besoin d’en passer, comme en Amérique, par une phase communautaire, on ne peut sans doute pas faire l’économie d’une action volontariste, au niveau des états-majors de partis politiques (nationaux, régionaux et

locaux), pour promouvoir la diversité.

Les « vieux éléphants » de tout poil et les notables locaux, même les mieux intentionnés, ne feront pas naturellement de la place à de nouveaux entrants sans capital social et politique de départ : il faut les y inciter. Il faut enfin travailler à améliorer la respiration du système politique français pour favoriser le renouvellement plus rapide de ses élites : le non-cumul des mandats constitue ici un point de départ évident. C’est à ces

conditions qu’un éventuel "Obama français" pourra émerger dans dix ans – et non dans trente ou quarante – et que la France pourra revenir dans la course à l’universalisme concret.