Par delà les scores obtenus par les listes en présence dans les vingt-sept Etats membres, le principal résultat des élections européennes est, une fois de plus, le faible taux de participation des électeurs. Depuis la première élection du Parlement européen au suffrage universel en 1979, l’abstention n’a cessé de croître. Le scrutin de 2009, avec un taux moyen de participation d’environ 43 %, marque une nouvelle étape dans cette évolution. Ce n’est pas une surprise. La question a été au centre de la campagne, à mesure que les sondages montraient l’indifférence d’une majorité d’électeurs à l’égard du scrutin européen. Les partis politiques n’ont cessé de lancer des cris d’alarme en appelant les électeurs à aller voter. Rien n’y a fait. Dans la plupart des pays d’Europe, les citoyens ont boudé la campagne. Une majorité d’entre eux a également boudé le scrutin.
« L’Europe éloigne les peuples d’elle-même quand elle s’éloigne des peuples », a déclaré la première secrétaire du PS, Martine Aubry. La formule ne s’applique pas seulement à la France. Dans l’ensemble de l’Union, le projet européen s’est tenu éloigné des électeurs. Les partis politiques ont été incapables, en France comme ailleurs, de convaincre les citoyens que, face à la crise, la réponse ne pouvait être qu’européenne. Nulle part les enjeux européens n’ont été mis en avant d’une manière crédible. « L’Europe n’est pas apparue comme une solution », a souligné Mme Aubry.
Enjeux nationaux
Il faut dire que, le plus souvent, les campagnes se sont focalisées sur des enjeux nationaux. Dans plusieurs pays, des élections locales ou régionales avaient lieu en même temps que les élections européennes, qu’elles ont largement supplantées. En Allemagne, le scrutin a été parasité par les élections législatives de septembre prochain. En Grande-Bretagne, les difficultés du gouvernement de Gordon Brown ont été au centre de la discussion. En Italie, les controverses ont tourné autour des frasques de Silvio Berlusconi. En France, la gestion de Nicolas Sarkozy a alimenté les discussions, la préparation de la présidentielle de 2012 se trouvant en arrière-plan. La nationalisation du débat s’est accompagnée, en général, de leur personnalisation.
La seconde leçon du scrutin est, à l’évidence, la victoire des partis conservateurs, qui va renforcer l’influence du Parti populaire européen, premier groupe du Parlement européen au cours de la précédente mandature, et, du même coup, augmenter les chances de reconduction de José Manuel Barroso à la présidence de la Commission. La droite remporte en particulier les élections, plus ou moins nettement, dans les six grands Etats de l’Union : Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Pologne. Les sociaux-démocrates sont au pouvoir dans deux de ces pays – Grande-Bretagne et Espagne – et le partagent avec les conservateurs en Allemagne, alors que la droite gouverne dans les trois autres. Parmi les gouvernements en place dans ces six pays, seuls les gouvernements de gauche sont donc sanctionnés.
Nouveau paysage à gauche
Grande perdante du scrutin, la social-démocratie européenne est appelée à se remettre en question. Ses propositions n’ont pas convaincu les électeurs. Ni le travaillisme revu par Tony Blair ni le socialisme à la française ne sont apparus à la mesure des défis de la crise économique. Il appartient désormais à la gauche de renouveler sa doctrine pour tenter de répondre aux attentes de citoyens dont ils ont perdu la confiance.
Les sociaux-démocrates devront tenir compte du succès des écologistes dont la présence au Parlement européen va s’accroître. Si leur réussite est éclatante en France, sous la conduite de Daniel Cohn-Bendit, leurs progrès sont notables ailleurs en Europe. Ils s’expliquent à la fois par la montée des préoccupations environnementales et par le rôle actif de l’Union européenne dans ce domaine. Les Vingt-Sept sont parvenus à s’entendre, en 2008, sur un plan ambitieux de lutte contre le réchauffement climatique. De nombreux électeurs européens ont exprimé leur soutien à ce combat. C’est sans doute la leçon la plus inattendue de ce scrutin.