Emmanuel Macron en Europe : une place à prendre

Dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, devant des étudiants de diverses nationalités, Emmanuel Macron a prononcé sur l’Europe un discours offensif. Une suite à son discours d’Athènes, deux hymnes à l’intégration européenne comme on n’en avait pas entendus depuis longtemps. La vision du président français tient en une proposition : la souveraineté de l’Europe comme garante des souverainetés nationales.
C’est une réponse à toutes les variétés d’eurosceptiques et de populistes qui mettent en avant des arguments identitaires pour prôner le repli sur soi, sur les Etats-nations voire sur un régionalisme censé être plus proche des citoyens. C’est une fin de non-recevoir à tous ceux qui veulent tourner le dos à la mondialisation comme l’on se protège de la foudre en se réfugiant sous un arbre. C’est au contraire un défi que l’Europe se lance à elle-même pour être à la hauteur des grandes puissances mondiales.
Ce faisant, Emmanuel Macron a occupé une place qui, voilà encore quelques mois, semblait dévolue à Angela Merkel. Avant de quitter la Maison blanche Barack Obama n’avait-il pas en quelque sorte intronisé la chancelière allemande comme leader du monde occidental ? Et Angela Merkel, elle-même, n’avait-elle pas malgré ses allures modestes endossé ce costume en rappelant au soir de la victoire de Donald Trump les valeurs inaliénables des démocraties libérales ?
Le moment choisi par Emmanuel Macron pour parler de l’Europe a été jugé mal choisi en Allemagne. Deux jours après les élections au Bundestag, le président français donnait l’impression de vouloir mettre Angela Merkel devant le fait accompli. Alors que la composition de la nouvelle coalition est encore inconnue, la chancelière n’est pas en mesure de lui répondre. Elle s’est en effet contentée d’un vague soutien aux propositions d’Emmanuel Macron. De son côté le président de la République a pris soin, dans son discours de la Sorbonne, de ne pas donner trop de détails sur ses idées de réforme de la zone euro qui sont controversées en Allemagne. Les libéraux, qui seront sans doute une composante de la nouvelle coalition à Berlin, ont durci le ton contre toute tentative de « faire payer les Allemands pour le laxisme des autres ».
Mais dans le fond, le président français n’a pas rendu un si mauvais service à Angela Merkel à la veille de difficiles négociations en vue de la constitution d’une coalition de quatre partis (CDU, CSU, Verts et libéraux), du jamais vu en Allemagne. Il a fixé des grandes lignes sur lesquelles les futurs dirigeants allemands peuvent se prononcer et dont ils peuvent tenir compte dans leur accord de gouvernement, sans courir le risque plus tard soit de se renier, soit de créer des difficultés avec Paris.
Il n’en reste pas moins qu’Angela Merkel sort affaiblie des élections parlementaires et qu’elle n’a plus l’initiative en Europe. Emmanuel Macron a saisi l’occasion pour occuper une place qui ne lui était pas naturellement destinée. C’est habile, à condition de ne pas se retrouver seul aux avant-postes avec des partenaires réticents à avancer à marche forcée.