Tout laisse à penser qu’Emmanuel Macron sera le 8ème président de la Vème République au soir du 7 mai. Les sondages, qui ne se sont pas trompés pour le premier tour, lui accordent une avance de quelque 20 points devant Marine Le Pen pour le second tour décisif. Emmanuel Macron est le candidat de la France dans la mondialisation, le candidat de l’intégration européenne, quasiment le seul, avec quelques fois Benoît Hamon, à avoir encouragé ses sympathisants à agiter dans ses meetings le drapeau bleu frappé des douze étoiles. Face à la présidente du Front national, il représente sans conteste une France ouverte sur le monde, fidèle à sa tradition européenne, soucieuse de défendre les valeurs de la révolution des Lumières.
Toutefois, il ne faut pas tomber dans un optimisme béat. Les Français, dans leur grande majorité, n’ont pas brusquement succombé aux charmes de la mondialisation. Au premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a obtenu « seulement » un quart des suffrages, et encore se trouve-t-il parmi ses électeurs des Français qui ont voté « utile » plus que par conviction pour les discours d’ouverture du candidat d’En marche !
Au second tour, le tableau est encore plus préoccupant. Une majorité d’électeurs va se prononcer plus contre Marine Le Pen et l’arrivée au pouvoir d’une extrême-droite qui, dans le débat d’entre-deux tours a montré son vrai visage, qu’en faveur d’une politique consciente des impératifs d’un monde où l’Occident n’a plus le monopole de la prospérité. Où les acquis de l’Etat providence, arrachés dans les pays riches après la Deuxième guerre mondiale, doivent s’adapter à la compétition internationale. Où le repli sur soi est synonyme de déclin et de paupérisation.
Emmanuel Macron est porteur de cette nouvelle donne. Mais il n’a pas su trouver les arguments pour convaincre les victimes d’une nouvelle situation qui est moins le résultat d’un choix volontaire que de la transformation technologique et politique du monde. A tort ou à raison, il est apparu comme le candidat des gagnants de la mondialisation aux dépens de la grande masse des laissés pour compte qui voient leurs usines fermées ou délocalisées. Il leur a dit que leur avenir n’était pas seulement dans les indemnités de chômage, comme le leur ont fait croire les différents pouvoirs depuis des décennies. Il ne les a pas convaincus.
Au premier tour de l’élection présidentielle, les candidats eurosceptiques ou carrément europhobes ont rassemblé plus de 50% des suffrages. Plus que les quelque 60% qu’Emmanuel Macron pourrait recueillir le dimanche 7 mai, c’est ce chiffre qui pèsera sur le prochain quinquennat.
Pour autant la partie n’est pas perdue avant d’être jouée. Entre la tentation du repli des souverainistes qui est une recette pour la faillite et la poursuite de la politique de l’autruche acceptant au mieux les petites réformes à la marge, celui qui devrait être le plus jeune président de la Vème République semble avoir opté pour le changement et le renouveau. Il ne réussira que s’il parvient à améliorer le sort de ceux qui n’ont pas voté pour lui. Et s’il n’oublie pas qu’ils sont les plus nombreux. Les autres se débrouillent tout seuls.