En Afrique, la France sans Europe

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François Hollande est rentré bredouille du Conseil européen de décembre. Il devait être consacré à la défense commune. L’ordre du jour avait été fixé de longue date et le simple choix de ce thème avait été considéré comme un signe de progrès de l’intégration européenne. Il tombait bien. Déjà engagée au Mali depuis le début de l’année, la France venait, à la demande de l’ONU, d’envoyer un contingent de 1600 hommes en République centrafricaine pour tenter d’éviter que la guerre civile ne dégénère en massacres généralisés. Pouvait-elle compter sur l’appui de ses partenaires européens ?

A part quelques bonnes paroles, elle n’a rien reçu de substantiel. Quelques pays enverront bien un peu de matériel et quelques hommes pour les utiliser mais de forces réelles, point. La France avait émis l’idée que, faute d’engagement concret, l’UE pourrait peut-être participer au financement de ces opérations extérieures qui pèsent sur le budget français de la défense, à la limite de l’effondrement. La réponse a été lapidaire : qui paie, décide. Or l’Europe n’a rien décidé, ni avant l’engagement au Mali ni avant l’intervention en Centrafrique. Il ne s’agit pas d’opérations européennes, donc pas de financement européen. Pour ne pas qu’il soit dit que la France n’a rien obtenu, on a prévu de discuter plus tard de la création éventuelle d’un fond destiné à financer de possibles actions des groupes armés multinationaux. Ces battle groups existent déjà mais pour les utiliser il faut une décision des Vingt-huit. Or il n’y a pas d’accord sur les missions qui pourraient leur être attribuées.

Les budgets militaires en Europe sont en baisse constante même si, pris tous ensemble, les Etats européens dépensent plus que la Chine ou la Russie. Les doubles emplois et le poids des frais de fonctionnement par rapport aux crédits d’intervention limitent l’efficacité des armées européennes. Toutefois, là n’est pas le handicap principal. Plus encore que les moyens, il manque une volonté politique partagée par une majorité des Etats membres de mener une politique étrangère et militaire commune. Les Vingt-huit n’ont pas de vision commune de leur responsabilité internationale dans le monde, pas même dans la périphérie européenne. Le seul document stratégique européen date de 2003. Depuis, le monde a changé mais les Européens sont incapables de se mettre d’accord sur une vision commune renouvelée.

Trois pays ont les moyens d’une politique active : la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Mais la Grande-Bretagne rechigne à agir en dehors de l’OTAN et refuse, en tous cas, tout ce qui pourrait renforcer une politique européenne de défense autonome. L’Allemagne, quant à elle, semble revenue à ses tendances pacifistes pré-Afghanistan. Elle a restructuré son armée en vue d’opérations extérieures que les responsables politiques ne veulent pas mener.

Dans ces conditions, la France ne peut guère compter que sur elle-même, en particulier en Afrique où elle continue d’être soupçonnée de visées néocolonialistes par ses partenaires européens.