En Allemagne, c’est l’heure des cadeaux

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale

Pendant que la France se demande comment faire des économies, la chancelière allemande Angela Merkel distribue des cadeaux à ses concitoyens. Dimanche soir, les principaux dirigeants de la coalition se sont réunis à Berlin pour faire taire les divergences qui minent le gouvernement depuis des mois. A moins d’un an des élections parlementaires, les trois composantes de la coalition ne sont d’accord à peu près sur rien. Les chrétiens-sociaux bavarois défendent les valeurs conservatrices qui ont fait leur succès depuis plus d’un demi-siècle. Les libéraux essaient de sortir de la déprime où ils se trouvent depuis leur score inespéré au scrutin de 2009. Si les Allemands votaient dimanche prochain, les libéraux ne seraient plus représentés au Bundestag car les intentions de vote dont ils sont crédités se situent au-dessous de la barre des 5%. Quant à Angela Merkel, elle essaie de garder son cap, confortée par les sondages qui attestent de sa popularité.

Les compromis décidés pour ramener la paix sont couteux mais le gouvernement de Berlin, qui peut se féliciter de bonnes rentrées fiscales, a les moyens. La CSU bavaroise a obtenu la création d’une allocation pour les familles dont les enfants de moins de 3 ans sont gardés à la maison. 100 € par mois en 2013 et 150 € à partir de 2014. Une majorité du Parti démocrate-chrétien et les libéraux s’étaient rendus aux arguments de l’ancienne ministre de la famille, Ursula von der Leyen, qui préférait l’accueil des jeunes enfants dans des crèches. Elle voulait ainsi permettre aux femmes de choisir le travail à l’extérieur de la maison. Mais les conservateurs pensent que les enfants doivent pouvoir être élevés dans la famille, plutôt que dans des institutions collectives. Avec l’allocation jeunes enfants, ils ont en partie obtenu satisfaction.

Les libéraux voulaient pour leur part supprimer la taxe forfaitaire de 10 Euros par trimestre que les patients doivent acquitter pour les visites chez le médecin. Une taxe très impopulaire à l’heure où les caisses d’assurances-maladie accusent des excédents sans précédent.Les libéraux ont ainsi obtenu satisfaction, sans qu’il soit établi qu’ils en profiteront électoralement.

Troisième mesure, une allocation spéciale pour les personnes âgées dont les revenus sont inférieurs à 850 € par mois. Les modalités n’en sont pas précisées mais l’intention est claire : s’attaquer à la pauvreté aggravée par les mesures de redressement décidées par le dernier gouvernement Schröder après 2003 et poursuivies par Angela Merkel.

Trois raisons expliquent cette soudaine prodigalité d’une chancelière qui s’est assuré une réputation de rigueur dans toute l’Europe. La première est électorale. Des élections générales auront lieu en septembre 2013. La chancelière est populaire mais son parti l’est moins et ses alliés libéraux risquent de lui faire défaut. La deuxième est pratique. Avec un budget qui sera en équilibre dès 2014 – avec deux ans d’avance sur les prévisions —, le gouvernement ne prend aucun risque financier. Enfin l’Allemagne donne l’impression d’accéder aux demandes de ses partenaires européens qui, depuis le début de la crise, se plaignent de la politique restrictive de Berlin et plaident pour une relance de la consommation. Angela Merkel leur répond sans que cela lui coûte beaucoup. La bonne santé économique et financière de son pays lui donne des marges de manœuvres qui devraient faire des envieux.