En Chine, la réforme à reculons

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale.

Le nouveau chef du Parti communiste chinois, Xi Jinping, serait-il l’homme de la libéralisation du système et de la construction d’un Etat de droit ? Telle était la question posée après son élection en novembre dernier par le 18ème Congrès du PCC. Il remplaçait Hu Jintao, auquel il devrait succéder en mars à la présidence du pays. Les dix ans de règne de ce dernier ont été marqués par la croissance économique et par une accélération des transformations de la société chinoise mais par une stagnation voire un recul des libertés.

Les premières déclarations de Xi Jinping, orientées vers la lutte contre la corruption et le rétablissement du « rêve chinois » ne permettaient pas de se faire une idée précise de ses intentions. Ses premières décisions malheureusement ne plaident pas en sa faveur. Les journalistes d’un magazine en ligne, Yanhuang Chunqiu, dirigés par des membres éminents du PCC, ont profité du premier discours du nouveau secrétaire général pour tester leur marge de manœuvre.

Dans un éditorial à l’occasion du Nouvel An, ils ont souhaité que le « rêve chinois » se traduise par le respect de la Constitution et l’émergence d’un Etat fondé sur le respect du droit. Mal leur en a pris. L’éditorial a été censuré par le chef de la propagande et remplacé par un morceau insipide de langue de bois. Le site a été fermé, sous prétexte d’absence de licence. Toutefois l’éditorial original avait déjà fait le tour de la blogosphère chinoise qui compte des centaines de millions de lecteurs, ce qui a permis une mobilisation des journalistes contre la censure.

Deux leçons peuvent être tirées de cet épisode. D’une part, il est de plus en plus difficile pour le pouvoir chinois de museler les médias, avec la multiplication des sources et des moyens d’information. Les mesures répressives qui s’accumulent ne sont pas d’un grand secours. Les internautes arrivent toujours à avoir une avance technique sur les censeurs. Le quotidien en anglais Global Times, qui représente pourtant une tendance « nationaliste » au sein du PCC, l’a reconnu après la fermeture du site Yanhuang Chunqiu : les autorités doivent revoir leur politique de communication.

L’autre leçon concerne Xi Jinping. Il semble qu’il ait décidé de mettre ses pas dans ceux de Deng Tsiaoping, le grand réformateur des années 1980 qui a ouvert la Chine au progrès économique. Son père avait été un proche collaborateur de Deng. Comme Deng, le nouveau secrétaire général a commencé par une tournée dans les provinces du sud où la réforme économique avait pris son essor. Comme lui, il prône le progrès économique et social mais semble réticent à toute libéralisation politique, synonyme de chaos.

Les pessimistes y verront le signe que le régime chinois fondé sur l’hégémonie du parti unique est incapable de se transformer en profondeur et qu’il risque de se retrouver en décalage croissant avec une société bouillonnante qui aspire au pluralisme.

Si l’on est plus optimiste, on remarquera que Xi Jinping n’a pas encore tous les leviers du pouvoir entre ses mains. Il est encore tributaire des hommes de l’appareil qui ont été mis en place par son prédécesseur. Pour s’affirmer à la tête du parti et de l’Etat, il n’a guère d’autre choix que de jouer sur deux registres : la fermeté à l’intérieur et le nationalisme à l’extérieur. Ce n’est que dans un deuxième temps qu’il pourrait mettre en œuvre des idées plus personnelles. A condition qu’il en ait et qu’il n’ait pas dilapidé entretemps le capital de sympathie et d’espoir que ses premières apparitions, moins stéréotypées que celles de la garde descendante, lui avait acquis.