Il est sans doute de bon ton pour l’opposition, surtout quand elle se réfère encore au gaullisme, d’invoquer « la voix de la France ». Mais les trois anciens premiers ministres, François Fillon, Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin, qui composent aussi le trio de tête de l’UMP, ont sorti trop vite leurs critiques contre François Hollande. Le jour où leur tribune était publiée dans Le Monde, les premiers envois d’armes françaises à destination des Kurdes irakiens étaient en route.
Certes, le président de la République n’a pas décidé de participer aux frappes américaines contre les djihadistes de l’Etat islamique (EI). Au stade actuel, le rôle de la France ne pouvait qu’être symbolique et François Hollande se souvient sans doute qu’il y a un an Barack Obama l’a purement et simplement laissé tomber quand il était lui-même favorable à une intervention aérienne contre le régime de Damas qui venait d’utiliser des armes chimiques contre sa population.
Mais la diplomatie française a été aux avant-postes pour sortir les partenaires européens de leur léthargie estivale. Laurent Fabius a été lepremier ministre des affaires étrangères à se rendre à Bagdad et à Erbil, la capitale du Kurdistan autonome, avec une cargaison d’aide humanitaire. La France a plaidé pour que les chefs des diplomaties de l’Union européenne se réunissent d’urgence et pour qu’ils décident de soutenir des livraisons d’armes aux Kurdes.
Cet activisme n’a pas été vain. Si la position européenne ne doit pas tout à la pression de Paris, celle-ci a certainement joué un rôle. Même l’Allemagne, où une majorité de l’opinion est par principe hostile à des interventions militaires extérieures, va livrer des armes aux Kurdes. Il est vrai qu’au sein du gouvernement, plusieurs ministres importants se sont prononcés dans ce sens, au vu de la détresse des populations chrétiennes ou yazidi menacées par l’EI et au vu de l’avancée du « califat » en direction du Kurdistan et de Bagdad.
C’est pour la France et l’Allemagne qui s’étaient opposées en 2003 à l’intervention américaine en Irak contre Saddam Hussein, sinon un changement de politique, en tous cas une inflexion de leur position.
« Menace d’un génocide », comme a dit Barack Obama, subversion d’un Etat stratégique dans la région et entrainement de djihadistes européens qui pourraient se retourner contre leur pays d’origine : toutes ces considérations ont joué dans l’engagement de François Hollande et de son ministre des affaires étrangères. Mais ce faisant, le président de la République reste fidèle à sa ligne de conduite en politique étrangère depuis qu’il est entré à l’Elysée. Dès 2012 il n’a pas hésité longtemps avant de faire intervenir l’armée française dans le nord du Mali pour contrer Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI). L’année suivante, il a envoyé ses soldats au Centrafrique pour tenter de mettre fin aux massacres entre chrétiens et musulmans et il était prêt à des frappes aériennes contre Bachar el-Assad si ses alliés britanniques et américains l’avaient suivi.
Il est, dira-t-on, dans son rôle de président de la Vème République, chef des armées. Toutefois, son engagement envers l’Irak souligne une fois de plus le contraste entre son volontarisme à l’extérieur et ses hésitations en politique intérieure. L’action de la France dans le monde peut détourner un instant l’attention des difficultés domestiques. Malheureusement pour François Hollande, elle ne les fera pas oublier.