En Iran, préférer les sanctions à l’action militaire

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Nul ne peut envisager de gaieté de coeur l’éventualité de frappes israéliennes sur les installations nucléaires de l’Iran, qui risqueraient d’enflammer la région et de déclencher une escalade incontrôlable. Mais nul ne peut non plus ignorer la menace que fait peser sur la paix la République islamique. Sous prétexte d’enrichir l’uranium à des fins civiles, elle vise en tout premier lieu l’Etat d’Israël, destiné, selon les dirigeants iraniens, à être tôt ou tard rayé de la carte.

Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, estime qu’il est urgent d’agir avant que le programme iranien ne soit devenu irréversible et que les centrifugeuses chargées d’enrichir l’uranium ne soient mises à l’abri des bombardements ennemis. Dans un an, dit-il, il sera trop tard. Aussi l’idée se répand-elle que l’attaque pourrait avoir lieu au printemps prochain. « Ceux qui disent « plus tard » pourraient découvrir que « plus tard, c’est trop tard », vient de déclarer le ministre israélien de la défense, l’ancien premier ministre travailliste Ehoud Barak.

Cette volonté de profiter d’une « fenêtre d’opportunité » considérée comme favorable s’accompagne d’un discret calcul électoral : il vaut mieux lancer un tel raid avant l’élection présidentielle américaine qu’après. Vivement critiqué par ses concurrents républicains qui lui reprochent sa faiblesse à l’égard de Téhéran, Barack Obama ne peut pas prendre le risque, pendant la durée de la campagne, de s’opposer ouvertement à une intervention israélienne en Iran. En revanche, s’il est réélu, il sera en position de force face à Benjamin Netanyahou.

Tout incite donc les Israéliens à précipiter leur action. L’intransigeance de Téhéran, qui n’a cessé de se dérober aux contrôles de l’Agence internationale de l’énergie atomique, pourrait les pousser à renouveler dans les prochaines semaines en Iran le geste qu’ils ont accompli il y a trente ans en Irak lorsqu’ils ont détruit le réacteur nucléaire d’Osirak, près de Bagdad.

Existe-t-il une autre voie pour convaincre les Iraniens de renoncer à l’arme nucléaire ? Oui, répondent les dirigeants des Etats-Unis et de l’Union européenne, qui plaident pour un alourdissement des sanctions contre la République islamique. C’est le seul moyen, disent-ils, de l’amener à résipiscence. Après les Américains, les Européens viennent ainsi de décider un embargo sur le pétrole iranien, tandis que Barack Obama aggravait les sanctions financières contre Téhéran. Sans doute faudra-t-il du temps pour que cette politique porte ses fruits mais le régime des ayatollahs est d’ores et déjà affaibli. Contesté de l’intérieur, il est de plus en critiqué à l’extérieur, en particulier dans le monde arabe.

Il ne s’agit plus seulement de combattre le programme nucléaire iranien, au nom de la lutte contre la prolifération, mais bel et bien de porter atteinte à l’économie du pays. A terme, l’espoir inavoué des Occidentaux est sans doute de provoquer le renversement du régime, bien que le programme nucléaire fasse l’objet d’un large consensus en Iran. Rien ne permet d’affirmer avec certitude que Téhéran finira par céder aux pressions de la communauté internationale. Mais le pari vaut d’être tenté. Il paraît préférable de donner une chance à la politique des sanctions, même si elle demande de la patience, que d’ouvrir la porte à une épreuve de force dont l’issue reste imprévisible.