En Syrie, punir et négocier

Chaque semaine, l’équipe de Boulevard-Extérieur commente ici un événement de politique internationale. 

La question n’est plus « si » les Occidentaux vont intervenir en Syrie mais quand et comment.

Quand ? Dans les prochains jours, dit-on. En tous cas après que les inspecteurs de l’ONU chargés de déterminer si oui ou non des gaz ont été employés contre les populations civiles dans la banlieue de Damas – ce qui ne semble faire aucun doute – et par qui, auront quitté la Syrie. Un délai est nécessaire non seulement pour rassembler les forces engagées dans une intervention mais aussi pour respecter un semblant de légalité internationale.

On rejoint ici la question du « comment ». Avec ou sans mandat des Nations unies ? Ce sera vraisemblablement sans, étant donné le probable veto russe (et chinois) à tout projet de résolution du Conseil de sécurité autorisant même implicitement – voir le précédent libyen – une action armée. Le cas du Kosovo est invoqué pour rappeler qu’en 1999 l’OTAN a bombardé les Serbes sans mandat explicite de l’ONU. La comparaison n’est pas totalement pertinente. L’intervention de l’OTAN au Kosovo faisait suite à de multiples résolutions du Conseil de sécurité mettant en garde Milosevic, l’homme fort de Belgrade, contre la poursuite des exactions visant la population d’origine albanaise. Ces textes avaient été votés avec l’assentiment de Moscou.

Rien de tel dans le cas de la Syrie. Moscou (et Pékin) se sont systématiquement opposés depuis deux ans et demi à toute démarche énergique de la communauté internationale.

Les Occidentaux ont décidé qu’ils ne se laisseraient pas condamnés à l’inaction par le double blocage russo-chinois. Avec raison. Il leur reste – et c’est l’autre aspect de la question « comment ? » — à doser leurs actions pour à la fois être efficaces et éviter une détérioration durable de leurs relations avec la Russie et la Chine. Sans parler de l’Iran, qui soutient Bachar el-Assad, mais qui est appelé à redevenir un interlocuteur sur le dossier nucléaire depuis l’élection du président Rohani. Des frappes ciblées, limitées dans le temps, sur des objectifs précis et vitaux pour le régime syrien, paraissent l’hypothèse la plus probable. L’essentiel de l’effort sera supporté par les Américains mais les Français, les Britanniques et d’autres alliés de l’OTAN devraient avoir une participation plus que symbolique.

Reste la question du « pourquoi ? » Barack Obama a beaucoup hésité avant de se lancer dans une nouvelle action militaire au Moyen-Orient, alors que la « ligne rouge » — à savoir l’usage d’armes de destruction massive (les gaz) — qu’il avait fixée est franchie depuis longtemps. Même remarque pour François Hollande, qui ne dispose cependant pas des mêmes moyens militaires.

Plusieurs raisons militent en faveur d’une intervention armée. La première tient aux principes. La communauté internationale a banni la production, le stockage et a fortiori l’utilisation d’armes chimiques dans une convention signée en 1993 et entrée en vigueur en 1997. Tolérer qu’un Etat utilise ce genre d’armes contre sa propre population est la porte ouverte à la prolifération incontrôlée des armes de destruction massive. C’est aussi pourquoi la Russie ne devrait pas dépasser le stade de l’indignation verbale si les Occidentaux châtient son allié syrien.

La deuxième raison a trait à la crédibilité des Occidentaux. Ceux-ci apparaissent impuissants depuis le début de la crise syrienne et tous leurs avertissements, qui n’étaient pas suivis d’actes, sont restés lettre morte. Ils ne peuvent pas continuer longtemps dans cette voie sans être totalement discrédités. Sans doute la situation syrienne est-elle à ce point complexe que ni les Etats-Unis ni l’Europe n’ont finalement intérêt à ce que les rebelles, par ailleurs très divisés, l’emportent dans ce conflit. Les groupes djihadistes ont de toute évidence pris le dessus sur l’opposition laïque. Mais les Occidentaux ne peuvent pas plus admettre que Bachar el-Assad se maintienne au pouvoir avec l’appui de ses amis russes et iraniens. L’intervention aérienne pourrait amener le régime syrien, et ses tuteurs, à entrer dans une négociation sérieuse avec l’opposition pour mettre fin à la guerre civile, sous contrôle international. Tout dépendra du dosage de l’action armée qui, à elle seule, ne peut décider de l’issue. Elle ne devrait être que le prélude à une solution politique.