En attendant l’ONU

La France et la Grande-Bretagne ont décidé « d’accélérer » leurs efforts pour que le Conseil de sécurité de l’ONU prenne une résolution pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de tout ou partie de la Libye, alors que les forces loyales au colonel Kadhafi accentuaient leur avance vers les bastions de l’est tenus par les insurgés.

Une sorte de course de vitesse semble engagée entre les combats sur le terrain opposant les troupes du colonel Kadhafi aux insurgés et les efforts diplomatiques de la France et de la Grande-Bretagne, les deux Etats européens disposant d’un droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies. Le sommet européen extraordinaire réuni vendredi 11 mars à Bruxelles n’a pas explicitement autorisé le recours à la force mais ne l’a pas non plus exclu. La formulation de la déclaration finale est suffisamment vague pour donner satisfaction à Nicolas Sarkozy et David Cameron, d’une part, à la chancelière allemande Angela Merkel qui n’ pas caché son scepticisme sur une intervention armée, d’autre part.

Reste à convaincre les Chinois et les Russes de ne pas opposer leur veto à une résolution qui autoriserait des frappes ciblées sur les forces de Kadhafi ou une zone d’exclusion aérienne, qui suppose la destruction des batteries anti-aériennes de l’armée libyenne. La prise de position de la Ligue arabe, qui était réunie samedi au Caire, en faveur d’une no-fly-zone constitue un point positif pour la politique française. Elle pourrait vaincre les réticences de la Russie et de la Chine, à tout le moins inciter ces deux pays à s’abstenir.

Intervenir, qui et comment ?

Une fois l’obstacle du Conseil de sécurité passé, s’il l’est, il faudra déterminer qui intervient et comment. Nicolas Sarkozy est réticent par rapport à une intervention de l’OTAN. Il estime qu’elle comporte le risque d’un changement d’humeur dans l’opinion arabe qui pourrait se retourner contre les Occidentaux, accusés d’ingérence dans les affaires intérieures des pays arabes. L’idéal serait que des forces aériennes arabes participent aux opérations ; par exemple l’Arabie saoudite ou les émirats qui, comme on le dit à Paris, « ont des choses à reprocher au colonel Kadhafi ».

Du côté occidental, les Etats-Unis ne semblent pas disposés à intervenir, et d’ailleurs leur intervention renverrait aux mêmes questions que celle de l’OTAN. Seules la France et la Grande-Bretagne ont la capacité de mener des raids aériens, soit sous la forme de frappes ciblées contre les forces de Kadhafi – hypothèse qu’on privilégie à l’Elysée —, soit par l’instauration d’un no-fly-zone.

Pour surmonter les réticences des uns et des autres, Paris compte sur l’émotion que susciterait dans les opinions publiques internationales l’utilisation par Kadhafi de gaz ou le bombardement de populations civiles. L’expérience conforte cette position. Ce sont bien les images des exactions commises par les forces serbes dans l’ex-Yougoslavie qui ont poussé les puissances occidentales à intervenir dans les Balkans dans les années 1990. L’indignation pourrait amener le Conseil de sécurité de l’ONU à autoriser une intervention militaire, même si la majorité de ses membres a tendance à privilégier la souveraineté des Etats.

Ce n’en est pas moins un paradoxe. Si l’on suit ce raisonnement, il faut attendre une tragédie impliquant des civils avant d’être en mesure d’intervenir pour empêcher d’autres massacres. Pendant ce temps, la guerre civile continue en Libye et Kadhafi, dont toute la communauté internationale dit souhaiter le départ, regagne du terrain.