Entre rigueur et solidarité

Les Etats membres sont-ils prêts à accepter une surveillance stricte de leurs politiques, assortie de sanctions, en échange d’une aide mutuelle en cas de difficultés ? Tel est l’objet de la négociation entre l’Allemagne et la France.

Face à la crise de l’endettement eu aux menaces qui pèsent sur l’euro, l’Union européenne doit aujourd’hui répondre à deux questions, que soulève clairement la Commission européenne. La première est de savoir si les Etats membres sont prêts à accepter plus de contrôle budgétaire contre plus de solidarité européenne. La seconde est de savoir comment éviter la récession et relancer la croissance.

La rigueur contre la solidarité, tel est l’échange négocié entre la France et l’Allemagne. L’Allemagne, appuyée, entre autres, par l’Autriche, les Pays-Bas, la Finlande, demande, on le sait, plus de rigueur. La France est le chef de file des pays qui demandent plus de solidarité. La Commission souligne qu’elle a toujours voulu l’une et l’autre pour que l’Europe continue d’avancer sur ses deux pieds mais elle estime qu’aujourd’hui les Etats membres doivent d’abord afficher leur souci de rigueur afin de bénéficier en retour des avantages de la solidarité.

La surveillance des budgets

Pour l’Allemagne, la solution passe par le renforcement de la surveillance des budgets nationaux et par des sanctions contre les Etats qui ne respecteraient pas leurs engagements. La discipline budgétaire est déjà prévue dans les traités à travers le pacte de stabilité. Mais la plupart des Etats, à commencer par la France, ont transgressé les règles qu’ils s’étaient pourtant données à eux-mêmes.

L’Allemagne, qui n’a renoncé au mark qu’en échange de l’application de ces règles, en tire la conclusion qu’on ne peut plus faire confiance à la seule parole des Etats. Elle propose donc que la Commission soit l’arbitre suprême et décide seule des éventuelles sanctions, comme elle le fait par exemple en matière de concurrence. Dans cette perspective, la Cour de justice resterait le dernier recours, selon la logique de la méthode communautaire. Le rôle de la Cour de justice pourrait être, d’après la Commission, avec l’automaticité des sanctions, l’un des éléments de la négociation.

L’intervention de la Banque centrale

Quels pourraient être, en échange de la rigueur, les signaux allant dans le sens de la solidarité ? La Commission rappelle qu’elle a présenté simultanément, le 23 novembre, de nouvelles règles de discipline budgétaire et des propositions sur l’introduction d’euro-obligations ou stability bonds, combinant ainsi rigueur et solidarité. Parmi les autres mesures qui renforceraient la solidarité européenne, elle cite l’accroissement de la capacité d’action du Fonds européen de stabilité financière (FESF) – même si elle doute qu’il puisse atteindre le montant espéré de 1000 milliards d’euros – mais aussi la modification des ses conditions de fonctionnement, qui permettrait, comme l’a suggéré à demi-mots Nicolas Sarkozy dans son discours de Toulon, l’introduction des règles de la majorité qualifiée.

Autre possibilité : l’entrée en vigueur anticipée (en 2012 au lieu de 2013) du Mécanisme européen de stabilité, appelé à succéder au FESF. Mais la mesure la plus importante serait l’intervention – limitée – de la Banque centrale européenne dans le rachat d’une part des dettes. « Tout dépendra de la dynamique politique », note la Commission.

La relance de la croissance

L’autre volet du dispositif concerne la relance de la croissance. La rigueur est une condition du retour à la croissance, mais elle n’est évidemment pas suffisante. Elle l’est d’autant moins que, dans un premier temps, la cure d’austérité aura des effets négatifs sur la croissance. La Commission fait observer que les leviers de l’après-crise ne seront plus les mêmes que ceux de l’avant-crise, dont l’emprunt était le principal ressort. Désormais il faudra donner la préférence à des éléments plus durables fournis par l’innovation, notamment dans l’énergie verte et le numérique.

La Commission appelle les Etats à se mobiliser contre les risques de récession, en privilégiant des choix budgétaires « intelligents », qui préservent les dépenses utiles à la croissance et n’altèrent pas la compétitivité. Elle souligne aussi la nécessité de continuer les réformes structurelles, en matière de santé ou de retraite. « Sinon, dit-elle, la croissance de demain sera en danger ».

« Les objectifs poursuivis – croissance économique, stabilité financière, discipline budgétaire – sont interdépendants », rappelle le président de la Commission, José Manuel Barroso, qui plaide pour une Europe « où règne un juste équilibre entre la solidarité entre la solidarité et une responsabilité renforcée ». La révision du traité, indique pour sa part le commissaire Olli Rehn, chargé des affaires économiques et financières, n’apporte pas de solution immédiate à la crise actuelle mais elle peut permettre d’éviter une crise future.