Espoir au Centrafrique

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Le « miracle de Boali » s’étendra-t-il à toute la République centrafricaine (RCA) ? Dans cette petite ville à 90 km au nord-ouest de la capitale Bangui, des centaines de musulmans ont été sauvés de la vindicte des chrétiens anti-balaka (les anti-machettes) après avoir été accueillis dans l’église et grâce au passage d’une patrouille française. Boali pourrait être le symbole de la réconciliation entre les communautés centrafricaines sous l’égide de l’armée française.

Il ne faut pas aller trop vite en besogne. Depuis le début de l’opération Sangaris à Bangui, les pillages, les violences, les massacres n’ont pas cessé. Trois cents morts ont été dénombrés ces dernières semaines. Mais le pire a sans doute été évité et deux évolutions politiques positives ont été observées.

D’abord, sur place, une transition se met lentement en place. C’est sans aucun doute le volet le plus délicat de l’engagement français. Officiellement certes, l’opération Sangaris avait simplement pour but d’éviter un « génocide » entre chrétiens et musulmans. Il n’était pas question pour la France de s’immiscer dans la politique intérieure centrafricaine. Mais officieusement, tout le monde savait que sans une stabilisation politique, l’intervention militaire n’était qu’un coup d’épée dans l’eau.

A l’insistance des voisins de la RCA et sous la pression de la France, le président Michel Djotodia, arrivé au pouvoir en mars 2013 dans les fourgons des rebelles de la Séléka, a démissionné le 10 janvier. Lundi 20, la maire de Bangui Catherine Samba-Panza a été élue président de Centrafrique par le Parlement provisoire. A charge pour elle d’organiser des élections présidentielles et législatives dans les meilleurs délais. On parle de 2015 même si la France voudrait, comme elle l’a fait au Mali, accélérer le processus de transition. Ce n’est pas encore le retour de la paix civile mais c’est un grand pas dans la bonne direction.

La deuxième nouvelle positive est l’engagement de l’Europe, acté aussi le lundi 20 janvier, par les ministres des affaires étrangères des Vingt-huit. La France le réclamait depuis un mois. Elle l’a enfin obtenu. L’Union européenne a décidé une « opération conjointe » en Centrafrique – la dernière fois c’était au Tchad en 2008. Les Etats membres mettront 500 hommes à la disposition de cette opération, d’ici la fin de février.

Bien sûr, l’engagement est modeste. Il peut paraitre tardif. On ne sait pas encore quels pays enverront des troupes – à l’exception de la petite Estonie qui a promis 55 soldats –, qui ne seront pas toutes des unités combattantes. Leurs missions sont encore à définir : sécurisation de l’aéroport de Bangui pour soulager les forces françaises qui pourront alors se déployer hors de la capitale ; renforcement de l’état-major ; protection de l’acheminement de l’aide humanitaire, etc.

Mais le geste est plus que symbolique. Dans son appréciation de la situation en RCA, la diplomatie européenne reconnait les risques présentés par la déstabilisation du Centrafrique, non seulement pour les populations de ce pays, mais aussi pour l’ensemble de la région. C’est un progrès par rapport à l’indifférence critique qui a d’abord accompagné l’engagement français.

Le changement de ton est perceptible en Allemagne avec l’arrivée au pouvoir de la grande coalition et le retour du social-démocrate Frank-Walter Steinmeier au ministère des affaires étrangères. Berlin n’enverra sans doute pas de soldats en RCA mais il devrait accepter que des éléments de la brigade franco-allemande soient engagés au Mali. C’est un acte politique. Les Allemands comprennent peu à peu deux évidences : d’une part, rien ne sert d’avoir les meilleurs instruments si c’est pour ne pas s’en servir ; d’autre part, on ne peut pas laisser la France seule.