Espoir, c’est le mot qui revient le plus souvent dans les commentaires après la victoire d’Hassan Rohani à l’élection présidentielle en Iran. Le succès dès le premier tour du mollah de Qom a surpris. Rohani passe pour un modéré, en tous cas par comparaison avec les autres candidats, les conservateurs n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur un nom. Il a été proche de Mohammad Khatami, président de 1997 à 2005, qui lui aussi passait pour un modéré réformateur. A juste titre sans doute. Mais force est de constater que pendant les huit ans de ses deux mandats, Khatami n’a pas pu réaliser les projets qu’il disait envisager. Il était certes moins agité et imprévisible que son successeur, Mahmoud Ahmadinejad, mais son bilan est des plus limités. Ses rapports avec les pays occidentaux étaient plus courtois sans que les négociations sur le programme nucléaire iranien, commencées en 2003, n’aient le moins du monde avancé.
La principale raison tient aux compétences limitées dont jouit le président en Iran. Le vrai pouvoir est dans les mains du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, qui dicte les grandes lignes de la politique officielle et remet dans le droit chemin les déviants, fussent-ils au sommet de l’Etat. Le Guide a laissé faire l’élection d’Hassan Rohani alors qu’il avait empêché de se présenter Hachemi Rafsandjani, son rival devenu son ennemi personnel. Le choix était circonscrit à l’intérieur de la République islamique et il ne pouvait en être autrement puisque l’Iran est devenu, depuis le règne de l’ayatollah Khomenei, une théocratie à laquelle tout prétendant à un poste de responsabilité doit allégeance.
Il n’en reste pas moins que Rohani est l’élu d’une jeunesse et d’un peuple qui en ont assez du rigorisme moral des mollahs, de la dégradation de la situation économique et du niveau de vie, à la suite des sanctions de la communauté internationale, de l’isolement de leur pays. En 2009, les jeunes urbains avaient manifesté contre la manipulation des urnes qui avait permis à Ahmadinejad d’accomplir un second mandat. Leur protestation avait été durement réprimée. Ils ont saisi l’occasion d’un scrutin encadré mais honnête pour faire entendre à nouveau leurs voix.
Hassan Rohani saura-t-il les comprendre et sera-t-il en mesure de répondre à leurs aspirations ? La réponse est en grande partie économique et sociale. Elle dépend de la possibilité pour l’Iran de reprendre des relations normales avec d’autres pays, notamment de tirer profit de ses énormes richesses énergétiques pour développer son économie. Ce n’est envisageable qu’avec une amélioration des relations avec les Occidentaux. Cette amélioration se heurte à deux obstacles qui ne peuvent être surmontés par de bonnes paroles.
Le premier est le programme iranien d’enrichissement de l’uranium qui nourrit les soupçons de la communauté internationale sur les intentions de Téhéran de se doter de l’arme nucléaire. Dix ans de négociations n’ont abouti à rien. Il parait exclu que Rohani renonce à ce programme. Cependant il a promis toute la transparence sur ce programme et s’il veut obtenir un assouplissement des sanctions il devra tenir cette promesse, maintes fois réitérée par son prédécesseur et jamais honorée. Dans ce domaine, un bémol doit être mis à cet « espoir » : la politique nucléaire ne dépend pas du président mais du Guide.
Le deuxième obstacle est l’engagement de plus en plus massif des Iraniens dans la guerre civile en Syrie aux côtés de Bachar el-Assad. Là encore, il est peu probable que Rohani, le voudrait-il, puisse infléchir l’attitude de son pays qui vise à imposer la prééminence des chiites sur les sunnites au Moyen-Orient et, comme le programme nucléaire, à assoir le statut de l’Iran en tant que puissance régionale. Cet objectif fondamental, d’ailleurs partagé par une grande majorité des Iraniens, y compris par la diaspora en exil, ne changera pas. Il reste à espérer que sous la présidence Rohani, l’Iran le poursuivra sans avoir recours aux diatribes haineuses de son prédécesseur.