Europe/Etats-Unis : les modalités d’un nouveau dialogue

L’élection de Barack Obama a été accueillie avec enthousiasme sur le Vieux continent. Elle devrait permettre de relancer la « relation transatlantique » si l’Union européenne est capable de s’unir pour dialoguer avec son grand partenaire. 

Une quarantaine d’experts de haut niveau – diplomates, chercheurs, universitaires – réunis en Grande-Bretagne, non loin d’Oxford, par la fondation Ditchley se sont interrogés pendant trois jours sur les moyens de relancer efficacement la « relation transatlantique » au moment où l’émergence de nouveaux pouvoirs sur la scène internationale change profondément la donne.

Renforcer l’Union européenne

Pour sortir le monde de la crise économique provoquée par les dérèglements du système financier, mais aussi pour réduire les tensions qui affectent les divers points chauds de la planète, la coopération entre l’Union européenne et les Etats-Unis est plus que jamais nécessaire. L’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche offre une excellente « fenêtre d’opportunité » après les années Bush. Le nouveau président, qui jouit en Europe d’une cote de popularité élevée, se dit prêt en effet à jouer le jeu du « multilatéralisme » en associant ses partenaires d’outre-Atlantique à la recherche de solutions diplomatiques. A l’Europe de saisir cette main tendue, tant qu’il en est encore temps. 

S’il fallait résumer d’une phrase les conclusions de ces travaux, on pourrait dire que la meilleure manière de renforcer les relations entre les Etats-Unis et l’Europe serait de renforcer l’Union européenne, que les Américains continuent de considérer comme trop faible pour peser sur les affaires du monde et dont les Européens eux-mêmes regrettent souvent l’impuissance et les divisions. 

Beaucoup ont exprimé des doutes sur les effets du traité de Lisbonne en matière de politique étrangère. Mais les mêmes ont admis que si l’UE savait se saisir des quelques avancées de ce traité, notamment la création d’un haut représentant aux compétences renforcées, sorte de ministre européen des affaires étrangères sans le nom, des progrès réels pourraient être accomplis. 

Pour une défense commune 

D’autres ont invité l’Europe à se doter enfin d’une défense commune afin d’être en mesure d’assumer sa part du fardeau. Une défense « autonome » ? Le mot fait peur, notamment aux Britanniques. Une armée européenne ? La formule suscite trop de méfiance pour être acceptable. Toutefois l’idée d’une force européenne fondée sur la coopération entre les Etats membres, la mise en commun de leurs matériels, la mise en place d’une formation commune, et complémentaire de l’OTAN, a été jugée crédible.

Une Europe plus forte pourrait engager avec les Etats-Unis un dialogue plus constructif, ont estimé les experts réunis par la fondation Ditchley, venus notamment de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, d’Allemagne, de France. A condition, bien sûr, que les Européens se montrent capables de surmonter leurs divisions sur des sujets aussi sensibles que les relations avec la Russie ou le conflit israélo-palestinien. 

Commerce, prolifération nucléaire, énergie...

Quelles sont les grandes questions sur lesquelles l’UE et les Etats-Unis doivent tenter de s’entendre ? Elles sont nombreuses. Les experts en ont relevé une dizaine : le commerce extérieur, symbolisé par les négociations de l’OMC et la perspective d’une zone de libre échange transatlantique ; la régulation financière ; la prolifération nucléaire ; le réchauffement climatique ; l’aide aux Etats dits « faillis » ; les grandes pandémies ; la sécurité alimentaire ; l’énergie ; le trafic de drogues ; l’élargissement de l’UE, notamment vers la Turquie et l’Ukraine.

Dans l’immédiat, les dossiers de l’Afghanistan, du Pakistan et de l’Iran sont les plus pressants. Les approches des Etats-Unis et de l’Europe diffèrent parfois. Européens et Américains ne sont pas toujours d’accord sur l’analyse des menaces. Il leur faut s’efforcer d’harmoniser leurs vues en redécouvrant, comme l’a dit un participant, « le sens de l’alliance ». « La nature de notre relations est en train de changer, a souligné un diplomate britannique. Nous devons nouer un nouveau dialogue ».

Obama, un pragmatique

N’oubliez pas que Barack Obama est un pragmatique, non un idéologue, ont dit les Américains présents à Ditchley. Il tient depuis son élection un discours plus ouvert à l’approche « multilatérale ». Le moment est venu pour les Européens de le prendre au mot. Mais ils doivent aussi comprendre que, s’ils ne font pas la preuve de leur efficacité, le président américain sera enclin à tenir pour secondaire la « relation transatlantique » et tenté de se tourner vers d’autres régions du monde.