Europe/Etats-Unis : une nouvelle ère ?

Avec Barack Obama à la Maison Blanche, il n’est pas sûr que l’élection du nouveau président modifie significativement les relations futures entre l’Europe et les Etats-Unis.

Alors que les Européens s’apprêtent à accueillir le successeur de George W. Bush aux sommets du G 20 et de l’OTAN, ils espèrent que le climat de suspicion et d’incompréhension qui s’est installé ces dernières années entre Washington et une partie des capitales européennes fera place à un nouvel esprit de coopération et de confiance mutuelle. Ils attendent de M. Obama des gestes leur donnant l’assurance qu’une page se tourne dans la relation transatlantique et que s’ouvre une ère d’entente cordiale entre les deux continents. 

Espoir

Cet espoir repose sur quelques arguments solides. Le premier est que les relations euro-américaines ont été si exécrables sous la présidence de M. Bush qu’elles ne peuvent que s’améliorer. Les deux mandats de M. Bush – le premier surtout – ont en effet été marqués, depuis le 11 septembre 2001, par une volonté de la Maison Blanche d’imposer unilatéralement ses décisions à l’ensemble du monde, sans tenir compte de l’avis de ses alliés, peu convaincus par l’esprit de croisade dont le président américain s’était fait le champion.

Jamais sans doute les Etats-Unis n’avaient été si fermés au multilatéralisme prôné par les Européens. Aussi la présidence de M. Bush peut-elle leur apparaître rétrospectivement comme une parenthèse entre celles de Bill Clinton et de Barack Obama, voire comme une sorte d’aberration appelée à disparaître avec l’élection d’un nouveau président, à plus forte raison un démocrate.

Ajoutons que sur les principaux foyers de tension les positions de l’Europe et des Etats-Unis se sont rapprochées. Des divergences demeurent sur l’Irak, l’Afghanistan, l’Iran ou l’extension de l’OTAN mais les désaccords profonds appartiennent au passé. Enfin la crise économique et financière incite à resserrer les rangs de part et d’autre de l’Atlantique, malgré quelques différences d’approche entre M.Obama et ses partenaires européens. 

Bref les conditions paraissent réunies pour que les attentes des uns et des autres soient en grande partie comblées : une attitude américaine plus respectueuse des aspirations du Vieux Continent, dans un esprit de partenariat plutôt que d’hégémonie, une attitude européenne plus attentive aux demandes de Washington, qui a besoin de renforts, notamment en Afghanistan. 

Continuité

Pourtant il n’est pas certain que la relation transatlantique prenne une telle tournure. Des voix s’élèvent pour mettre en garde les Européens contre un optimisme excessif à l’orée du mandat de M. Obama. Au cours d’un séminaire organisé à Paris par le Centre d’études européennes de Sciences-Po, vendredi 27 mars, en collaboration avec le German Marshall Funf, le politologue américain Charles Kupchan, professeur à l’Université de Georgetown et directeur du programme européen du Council on Foreign Relations, a ainsi quelque peu douché les enthousiasmes prématurés. 

Certes, pense-t-il, l’élection de M. Obama va probablement modifier les relations euro-américaines mais la part de la continuité restera forte. La dégradation des relations entre les Etats-Unis et l’Europe, estime-t-il, n’est pas seulement liée à la présidence de M. Bush, elle l’a précédée et devrait en partie lui survivre. Selon lui, l’unité transatlantique, née pendant la seconde guerre mondiale et renforcée par la Guerre Froide, a été ébranlée par le chute du mur de Berlin. « L’ère ouverte par Pearl Harbor est close », affirme-t-il.

Même si les tensions se sont exacerbées sous la présidence de M. Bush, les malentendus transatlantiques ne sont donc pas près de s’effacer. Au contraire, le fossé pourrait même se creuser entre les deux continents. L’Amérique change, elle se détourne de l’Europe, ne serait-ce que parce que, dans un avenir proche, la majorité de ses habitants n’en seront pas issus. Le risque est qu’elle disparaisse, selon M. Kupchan, du radar américain. Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi Washington offrirait à l’Union européenne le partenariat que celle-ci réclame sur la scène internationale. 

L’Europe, de son côté, perd du terrain, à en croire le politologue américain, faute d’être capable de relancer la construction européenne et d’éviter une renationalisation de sa vie politique. Si elle ne se ressaisit pas, elle cessera de peser, à terme, sur les affaires du monde. Ces sombres perspectives sont encore lointaines, mais il est utile de les garder à l’esprit au moment où l’on s’interroge, à Washington comme à Bruxelles, Paris, Londres et Berlin, sur l’avenir de la communauté transatlantique.