Europe : une ’’crise de l’intérêt général’’

Le "non" irlandais le prouve : les Européens, chacun chez eux, refusent les transferts de compétences que suppose l’Europe telle qu’elle est. "Les Européens ne sont plus capables de penser l’intérêt général et la crise européenne est une crise de la volonté de partage". Ainsi s’exprimait, dimanche 15 juin sur France-Culture (émission "l’Esprit Public" de Philippe Meyer), l’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges. La crise européenne ne peut être séparée de la montée de l’individualisme en Europe et de l’incapacité de plus en plus grande des Européens à penser en termes de "défense du bien commun". Les réflexes identitaires en Belgique sont une autre illustration de ce phénomène.

 

Que va-t-il se passer après le "non" de l’Irlande ? La solution ne passe pas selon Bourlanges par une avant-garde européenne autour d’un noyau dur franco-allemand, ce noyau dur n’étant plus qu’un "fantasme français" face à une Allemagne qui pratique désormais une "diplomatie de points cardinaux", variable selon les enjeux et les partenaires. Ce vers quoi nous allons est "un glissement progressif vers une Europe plus proche de l’Union postale universelle que des Etats-Unis d’Europe, à savoir une entité spécialisée, vouée à des tâches précises : régulation économique, normalisation des produits, monnaie. Ce sera plus qu’une union douanière mais pas une véritable une union politique. Ce sera une communauté de régulation avec une forme de coopération politique, une puissance lente, sociétale, disposant d’une certaine force de rayonnement mais peu efficace en matière de gestion de crise.

Du temps de l’Union soviétique, l’Europe disposait d’un puissant facteur d’union. "On a eu pendant 40 ans une dichotomie entre une communauté européenne qui affirmait son unité et qui pansait ses plaies et ses haines, et une vraie politique de défense assumée dans une logique de puissance par l’Alliance atlantique. C’était Jean Monnet à l’abri de John Foster Dulles", ajoute Jean-Louis Bourlanges. Les menaces aujourd’hui existent mais elles ne sont pas simples à définir. Chaque Etat européen est aujourd’hui à la fois un "associé" et un "rival". "Quel lieu pour s’unir dès lors que la liberté, la démocratie, l’indépendance ne sont pas menacées directement ?", conclut l’ancien député européen, désormais redevenu magistrat auprès de la Cour des Comptes.