Européennes : le PS à la peine

Le parti socialiste avait obtenu aux élections européennes de 2004 28,9% des suffrages. Les sondages le créditent aujourd’hui d’un score situé entre 21 et 22 % des intentions de vote pour le scrutin du 7 juin prochain. Comment expliquer un recul de cette importance ?

Cet affaissement tient à la conjonction de plusieurs raisons.

La dispersion des oppositions. En 2004, le PS a bénéficié d’un vote de regret. Deux ans après des présidentielles qui avaient mis Lionel Jospin derrière Jean-Marie Le Pen, les électeurs de gauche avaient alors obéi à un réflexe de revanche. Ils avaient massivement donné leurs voix aux socialistes. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. On assiste à une dispersion des oppositions évidemment préjudiciable au PS.

La concurrence de François Bayrou. Dans le même ordre d’idées, le PS souffre également pour partie, semble-t-il, de la concurrence de François Bayrou. Le président du Modem apparaît aujourd’hui, en effet, comme le meilleur opposant à Nicolas Sarkozy, notamment après le livre pamphlétaire qu’il vient de publier et dont la charge à l’encontre du chef de l’Etat est d’une grande férocité. Les scores qui lui sont promis semblent plutôt à la hausse quand ceux annoncés pour le PS ne cessent de fléchir.

L’absence d’un leader charismatique. Martine Aubry est encore en phase d’apprentissage. Elle a incontestablement remis de l’ordre dans l’appareil. Du moins formellement. Il ya moins de cacophonie au PS que jadis. Les troupes sont peut-être plus disciplinées. Mais la Première secrétaire du PS n’a toujours pas rendu une âme et un souffle à son parti. La maire de Lille semble, en outre, avoir bien du mal à s’extraire de sa province lilloise. Elle tarde à intervenir dans les médias. Elle fait figure de bon intendant. Pas de chef de guerre !

Les clivages sur l’Europe. Officiellement, la cassure du référendum de 2005 entre partisans du oui et avocats du non au traité constitutionnel européen est surmontée. Mais, la ratification d’un « pacte européen de progrès social » ne suffit pas à effacer totalement les divergences qui demeurent sur le sujet du protectionnisme au PS comme d’ailleurs chez ses homologues socialistes ou travaillistes européens.

Les ratés de la campagne. Les socialistes ont jusqu’ici conduit cette campagne électorale en dépit du bon sens. Ils ont commencé par mettre en avant le « vote sanction ». S’agissait-il de sanctionner la politique intérieure de Nicolas Sarkozy ? Sur ce terrain, la concurrence est forte à gauche. Le propos était-il de sanctionner la politique européenne du chef de l’Etat ? Difficile après une présidence française du Conseil européen unanimement applaudie. Etait-il question de sanctionner le président Jose Manuel Barroso ? Contradictoire quand les gouvernements sociaux démocrates soutiennent sa reconduction à la tête de la Commission européenne. Conscient de cette première bévue, les socialistes ont donc récemment changé de pied et choisi de privilégier le « vote efficace ». Hier « force opposante », Martine Aubry déclare se vouloir maintenant « force proposante ». Mais que proposent les socialistes : un vaste plan de relance européen commun et coordonné ? Soit. Mais c’est oublier que Nicolas Sarkozy l’a vainement demandé à ses partenaires à la fin de l’an passé. Les socialistes réclament également une Europe plus volontariste qui exige davantage de régulation financière et s’attaque avec plus de fermeté aux paradis fiscaux. Mais ne sont-ce pas là les requêtes formulées à maintes reprises par le chef de l’Etat au nom de la « moralisation » du capitalisme !

Les socialistes sont donc à la peine dans cette élection parce qu’ils ne peuvent plus espérer un vote de regret, parce que ce n’est pas un vote d’enracinement à la manière des élections locales, voire législatives, parce qu’il est difficile de brandir le vote utile quand les électeurs sont convaincus que ce scrutin ne changera en rien leur vie de tous les jours.

Il sera donc bien difficile pour les socialistes de refaire leur retard sur l’UMP pour toutes les raisons que nous venons d’évoquer. L’UMP a, en outre, l’avantage de représenter toute la droite quand les oppositions sont plurielles. L’UMP a ainsi toutes les chances d’arriver en tête le 7 juin prochain même si beaucoup dépendra évidement du taux de la participation.

Il est en tous les cas essentiel pour le PS d’enrayer la chute et de se stabiliser au dessus des 20%. Ce qui ne sera pas un bon score mais ce ne sera pas non plus un score humiliant. Si, en revanche, les intentions de vote en faveur du parti socialiste devaient poursuivre leur glissade, un tel échec déstabiliserait de nouveau cette formation politique et déstabiliserait une Première secrétaire qui serait tenue comptable du résultat même si elle n’est pas elle-même candidate au Parlement européen. La seule consolation du PS, aujourd’hui, est sans doute de constater que tous les partis sociaux démocrates sont également en difficulté. Il n’est pas aisé pour eux de se distinguer quand tous les gouvernements du continent, contraints par la crise, font de la social-démocratie et pratiquent des politiques keynésiennes de relance de l’économie par la puissance publique.