Face à Vladimir Poutine

La réélection (attendue) du président russe, Vladimir Poutine, coïncide avec la grave crise qui oppose la Russie aux quatre grandes puissances occidentales – les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France – après l’empoisonnement, à Salisbury, dans le Sud de l’Angleterre, d’un ancien espion russe et de sa fille, retrouvés inconscients sur un banc. Cet affrontement, qui ouvre un nouveau cycle de sanctions et de représailles, est l’aboutissement d’une montée des tensions qui n’a cessé d’éloigner Moscou de l’Union européenne et des Etats-Unis. A mesure que le Kremlin manifestait ses intentions belliqueuses, attaquant la Géorgie en 2008, annexant la Crimée en 2014, intervenant militairement en Syrie en 2015 pour défendre Bachar Al-Assad, s’est créé au fil des années un climat qui rappelle la guerre froide.

Comme au temps du communisme, la Russie menace aujourd’hui le monde occidental par lequel elle se dit elle-même menacée. Comme au temps du communisme, elle défie les pays de l’Alliance atlantique qu’elle tente de déstabiliser par tous les moyens possibles. Comme au temps du communisme, tous les coups semblent permis pour affaiblir les démocraties et bafouer les valeurs dont elles se réclament. Comme au temps du communisme, deux camps se font face, bloc contre bloc, système contre système, idéologie contre idéologie. Le ton monte de part et d’autre. La Russie accuse l’Occident de chercher à lui imposer sa volonté tandis que les quatre pays qui ont protesté contre l’empoisonnement de l’ex-espion russe et de sa fille dénoncent, dans leur communiqué commun, « une dynamique de comportements russes irresponsables ».

« Les sources philosophiques du poutinisme, si diverses soient-elles, reposent toutes sur deux piliers : l’idée d’empire et l’apologie de la guerre », écrit l’essayiste Michel Eltchaninoff dans son livre Dans la tête de Vladimir Poutine (Solin/Actes Sud, 2015). La politique extérieure conduite depuis dix-huit ans par le président russe témoigne de cette double inspiration. Certes le camp occidental ne saurait s’exempter de toute responsabilité dans l’escalade militaire qui menace la paix et se traduit notamment par une relance de la course aux armements nucléaires. Mais l’argument de Moscou selon lequel son activisme est une réponse à l’humiliation subie par la Russie quand l’OTAN, à l’époque de Boris Eltsine, s’est étendue jusqu’aux frontières du pays ne suffit pas à justifier ses violations répétées du droit international.

Reconduit à la présidence pour une durée de six ans, dans des conditions contestables, sans opposant sérieux ni débat véritable, Vladimir Poutine va-t-il demeurer fidèle à la stratégie offensive qui a conduit à une nouvelle forme de guerre froide ? Si sa politique reste la même, le risque est grand que l’escalade continue et qu’elle finisse par échapper à tout contrôle. La différence avec la « vraie » guerre froide, au siècle dernier, est que celle-ci reposait sur un équilibre de la dissuasion qui permettait à ses protagonistes de garder la maîtrise de la situation. Rien de tel aujourd’hui où l’ordre international est dangereusement fragile. Aussi serait-il judicieux que les puissances occidentales se montrent capables de combiner, face à Vladimir Poutine, la fermeté et l’ouverture au dialogue pour favoriser le retour de la Russie dans le concert des grandes nations.