La question ne se posera pas, affirme Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe, la réunion des seize Etats-membres qui ont adopté la monnaie unique. Il est dans son rôle. Evoquer officiellement cette éventualité reviendrait à la rendre plus probable, en accentuant la pression sur les Etats les plus fragiles. Il n’en reste pas moins que le débat commence dans les coulisses : comment sauver l’euro, en se débarrassant des faibles ou en les secourant ?
Economiste en chef de la Banque centrale européenne l’Allemand Jürgen Stark rappelle la doctrine : les traités européens interdisent à l’Union européenne et aux Etats membres « de se porter garants pour les partenaires ». C’est, a-t-il ajouté dans une déclaration au magazine de Hambourg Der Spiegel, « un des fondements du bon fonctionnement de l’union monétaire. »
Nicolas Sarkozy a été plus « politique », dimanche 22 février, à l’issue du sommet du G4 de Berlin (les quatre pays européens membres du G8, auxquels s’étaient joints les Pays-Bas et l’Espagne). Les Etats en difficulté peuvent compter sur la solidarité de leurs partenaires, a-t-il déclaré en substance, et ces derniers ont aussi besoin d’être sûrs que les autres respecteront certaines règles de base.
C’est en effet le cœur du problème. Les gardiens de l’euro craignent que les promesses de venir en aide à des pays qui connaissent de lourds déficits de leurs finances publiques n’encouragent pas ces derniers à faire les efforts d’assainissement ni à mettre en oeuvre les réformes nécessaires. En 2008, quatre Etats ont dépassé la limite des 3% de déficit public par rapport au PIB autorisée par le traité de Maastricht et le pacte de stabilité (la France, l’Espagne, la Grèce et l’Irlande). Cette année, ils seront rejoints par l’Italie. La situation est particulièrement grave en Irlande où le déficit public pourrait atteindre 11% du PIB. L’endettement augmente également. Il dépassera cette année 100% du PIB en Grèce et 110 en Italie. Même l’Allemagne atteindra 72%, alors que la limite est fixée à 60%. La plupart des pays ont été admis dans la zone euro alors que leur endettement était bien supérieur mais la tendance à la diminution avait été prise en compte. Aujourd’hui, le mouvement inverse est amorcé. La dette publique augmente.
Eviter le scénario catastrophe
Les chiffres absolus ne disent pas tout. C’est le crédit dont bénéficie chaque Etat sur le marché international des capitaux qui compte. La « cote » de la Grèce n’est pas la même que celle de l’Allemagne, par exemple. Les Etats mal notés doivent garantir des taux d’intérêt très élevés pour trouver des financements, ce qui grève de nouveau leurs budgets. Cette distorsion dans les taux d’intérêt représente un danger pour la cohésion de la zone euro. Et c’est pourquoi la garantie des Etats en meilleure santé pourrait être décisive.
Malgré les rappels à l’orthodoxie des milieux financiers, il y a fort à parier qu’en cas de danger imminent pour la zone euro, l’Union européenne trouvera les moyens de venir au secours des pays les plus menacés. Des garanties européennes ne résoudront pas les problèmes de ceux qui ont vécu largement au-dessus de leurs moyens au cours des dernières années. Les plus laxistes, qui se sont joués des règles de l’union monétaire, n’échapperont pas à une cure d’austérité.
En revanche, la sortie de la zone euro d’un ou deux Etats faibles risquerait de donner le signal de la débandade. Personne n’a intérêt à une désintégration de la monnaie unique dont tout le monde s’accorde à penser qu’elle constitue un rempart contre les turbulences venues de l’extérieur. C’est pourquoi, même s’ils ne veulent pas le dire officiellement, la grande majorité des dirigeants européens sont d’accord avec le ministre allemand des finances. Selon Peer Steinbrück, l’Allemagne ne resterait pas inactive si la zone euro était menacée. Ses collègues non plus.