Faut-il un ’’directoire’’ européen ?

La crise financière offre l’occasion au président de la République de revenir à un projet qu’il n’avait pas complètement abandonné et qui n’est pas nouveau, celle d’un "directoire européen" permettant aux grands pays de l’UE d’entraîner les autres. Mais l’Allemagne et les "petits pays" européens ne sont pas forcément d’accord avec cette façon de voir les choses.

Nicolas Sarkozy avait lancé l’idée au début de sa campagne présidentielle. L’Union européenne devait être, selon lui, dirigée par un directoire des grands pays, six au maximum, auquel il avait rajouté la Pologne, parmi les nouveaux membres. Puis il avait remisé sa proposition sous l’influence des « européens » de son entourage, comme le député au Parlement de Strasbourg Alain Lamassoure, ancien ministre des affaires européennes. Ceux-ci craignaient en effet d’effrayer les « petits » partenaires, toujours méfiants face aux agissement des « grands ». 

La création d’un « noyau dur » au sein de l’Union est une vieille idée. Elle a au moins quarante cinq ans, si l’on pense que la coopération franco-allemande, formalisée par le traité de l’Elysée entre le général De Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer en 1963, en est la préfiguration. Trente ans plus tard, deux députés chrétiens-démocrates allemands, Karl Lamers et Wolfgang Schäuble, avaient proposé la création d’un « noyau central » autour des pays qui accéderaient à la monnaie unique. La proposition avait fait long feu parce que la France n’était pas prête à répondre positivement (on était en période de cohabitation entre François Mitterrand à l’Elysée et Edouard Balladur à Matignon).

La question est de savoir quelle pourrait être la composition de ce noyau central. Les quatre membres européens du G8 – outre la France, l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne – ou les quinze, bientôt seize avec la Slovaquie, membres de l’Eurogroupe, c’est-à-dire les représentants de la zone euro ? Nicolas Sarkozy semble hésiter. Début octobre, il a réuni les quatre, sous les protestations des Espagnols. Puis il a président un « sommet » de l’Eurogroupe, le 12 octobre à Paris. C’était une première. Après son discours de Strasbourg devant le Parlement européen, la semaine dernière, il a laissé entendre qu’il se verrait bien présider l’Eurogroupe encore pour une année. Jusqu’à ce que la présidence de l’Union européenne revienne à un pays de la zone euro. Entre temps, il y aura eu la présidence tchèque et la présidence suédoise, deux pays qui ne font pas partie de la zone euro. C’est une façon pour le chef de l’Etat de poursuivre une présidence de l’Europe qui se termine officiellement le 31 décembre.

Le problème, c’est qu’il y a déjà un président de l’Eurogroupe, qui vient d’être réélu pour deux ans et demi, Jean-Claude Juncker, le premier ministre et ministre des finances du Luxembourg. La proposition de Nicolas Sarkozy n’a donc pas rencontré un grand enthousiasme chez ses partenaires, notamment auprès de la chancelière Angela Merkel qui n’aime pas beaucoup ce qu’elle considère comme des relents de « colbertisme » dans la politique française. Mais comme le reconnaît un diplomate allemand à propos de l’action du président de la République au cours des dernières semaines : « en temps de crise, l’hyperactivité devient de l’énergie, l’arrogance de la ténacité, l’improvisation du pragmatisme. »