Feu l’Etat palestinien ?

Tout le monde ou presque s’était rallié à cette idée : la paix au Proche-Orient passe par la création aux côtés de l’Etat d’Israël d’un Etat palestinien, « viable » ajoutait la langue de bois diplomatique. Même George W. Bush avait fini par l’accepter. Les Israéliens aussi. L’offensive de Tsahal à Gaza ne ruine-t-elle pas les chances de ce qu’on appelait « la solution des deux Etats » ? On peut même se demander si ce n’est pas un des objectifs – non avoués - de cette guerre.

Sans doute d’autres considérations ont-elles joué dans le choix des moyens et du moment de l’offensive à Gaza par le gouvernement israélien. L’approche des élections législatives ; la nécessité de couper l’herbe sous le pied de la droite radicale du Likoud, sous la direction de l’ancien premier ministre Benjamin Netanyahou ; la rivalité au sein même de l’équipe dirigeante entre le parti Kadima de la ministre des affaires étrangères Tzipi Livni et les travaillistes du ministre de la défense Ehoud Barak ; l’espoir pour le chef du gouvernement sortant Ehoud Olmert, miné par les scandales, de « racheter » l’échec de la guerre au Liban de 2006 ; enfin, le vide constaté à Washington où ni le président sortant George W. Bush, ni le président élu Barack Obama, ne se sentent en mesure de prendre une quelconque initiative.

Avertissement

Il y a, bien sûr, le problème de fond : les fusées lancées quotidiennement par le Hamas sur les villes israéliennes proches de la bande de Gaza. Et c’est là que les réflexions sur la coexistence possible ou impossible de deux Etats prennent tout leur sens. Les Israéliens ne peuvent pas permettre que l’Etat palestinien éventuel serve de rampe de lancement pour des attaques contre leur territoire. En décidant l’offensive sur Gaza, les Israéliens qui seraient prêts loyalement à accepter un Etat palestinien lancent un avertissement pour l’avenir. Ceux qui ne l’ont admis que du bout des lèvres, tuent dans l’œuf cette possibilité, en dressant contre l’Etat juif les civils palestiniens de Gaza pris sous les bombes et en détruisant le peu de crédibilité qui restait à l’Autorité palestinienne et à son président Mahmoud Abbas.

Champ de décombres

Quel Etat palestinien est possible si les Palestiniens eux-mêmes sont divisés entre ceux qui reconnaissent Israël et ceux qui s’y refusent ? Si les dirigeants palestiniens sont incapables de faire régner l’ordre chez eux et d’empêcher des attaques contre le pays voisin ? On rétorquera que les Israéliens n’ont rien fait pour aider les Palestiniens à construire les bases de cet Etat « viable » pendant que la communauté internationale, et en particulier l’Europe, déversaient des milliards d’euros. Ils ont même tout fait contre. Mais aujourd’hui, le résultat est là et c’est un champ de décombres humains et politiques.

Dans une contribution pour la fondation Carnegie Endowment for Peace, Nathan Brown, directeur de l’Institut des Etudes moyennes-orientales à l’université Georgetown de Washington, énumère les conditions que la nouvelle administration américaine devrait mettre en œuvre pour que la solution des deux Etats ait encore une petite chance de succès. Parmi celles-ci, favoriser le partage du pouvoir entre le Hamas et le Fatah de Mahmoud Abbas ; engager un dialogue indirect avec le Hamas, « on exagère souvent les risques comme les avantages d’un tel dialogue », écrit Nathan Brown ; développer des institutions palestiniennes capables de faire montre d’autorité au lieu de soutenir tel ou tel individu ; encourager la réforme du Fatah ; tout ceci dans l’espoir de donner une base solide à la démocratie palestinienne. Toutes ces recommandations sont de bon sens. Mais leur simple énumération montre l’ampleur de la tache. Pour être applicable, certaines d’entre elles supposent même le problème résolu.