France-OTAN : l’argumentaire de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy est le premier président de la République qui participe à la conférence de Munich sur la sécurité (Wehrkunde), dont la 45e édition a eu lieu du vendredi 6 au dimanche 8 février. L’occasion pour lui de développer les arguments qui doivent justifier le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN.

Pendant longtemps, les Français fuyaient cette manifestation marquée d’un fort accent atlantiste. Il a fallu attendre la fin des années 1980 et la disparition de la guerre froide pour que des représentants officiels de l’Hexagone daignent se déplacer dans la capitale de la Bavière. Maintenant que la France s’apprête à reprendre une place pleine et entière dans le commandement militaire intégré de l’OTAN, Nicolas Sarkozy peut se montrer à Munich.

Le président de la République n’a pas annoncé officiellement la réalisation du rapprochement avec l’OTAN – il garde la déclaration officielle pour le sommet atlantique qui aura lieu à Strasbourg et Kehl au début du mois d’avril – mais il a rôdé les arguments qu’il s’apprête à développer pour convaincre ses concitoyens du bien-fondé de sa décision. Il semble craindre des difficultés de politique intérieure sur un sujet qui, en effet, paraissait tabou pendant de longues années, mais qui ne paraît pas au centre des préoccupations des Français.

Les arguments sont les suivants : la France ne brade pas son indépendance, elle la renforce. Elle œuvre à la consolidation d’une politique européenne de défense qui est indispensable si l’Europe veut se concevoir comme une puissance dans un monde où il n’y a plus que « des puissances relatives ». La politique de défense et de sécurité commune est un test pour savoir « si l’Europe veut la paix ou veut qu’on la laisse en paix ». L’Europe de la défense et l’OTAN sont complémentaires ; penser que renforcer l’une affaiblit l’autre est une erreur ; le renforcement de l’une c’est le renforcement de l’autre. Le rapprochement avec l’OTAN n’affectera pas l’indépendance de la force nucléaire de dissuasion.

Sur ce sujet, Nicolas Sarkozy a annoncé, sans plus de précision, que la France et la Grande-Bretagne, les deux puissances nucléaires européennes, travaillent « la main dans la main ».

Le président de la République s’est d’autre part lancé dans une digression sur la Russie, sa démographie déclinante qui l’empêche d’être une menace militaire pour l’Union européenne et l’OTAN et la préserve d’une attitude agressive vis-à-vis de ses voisins. Dans le même temps, il a admis que Moscou avait perdu beaucoup de crédibilité dans la guerre du gaz déclenchée contre l’Ukraine et par ricochet contre les clients européens de la Russie. A propos de l’Iran, il a appelé les dirigeants russes à la coopération : « La Russie veut la paix, qu’elle le montre ! ».

Enfin, Nicolas Sarkozy veut "prendre au mot" le président russe Dmitri Medvedev sur sa proposition de nouvelle architecture paneuropéenne et il a répété que le meilleur cadre pour une discussion était l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), où se retrouvent l’ensemble des pays européens plus les Etats-Unis et le Canada. La chancelière Angela Merkel semble privilégier, pour sa part, un dialogue OTAN-Russie et UE-Russie.

Le président estonien Toomas Hendrik Ilves a apporté une note discordante. Il ne voit pas ce que la proposition Medvedev peut apporter alors qu’il existe déjà l’OSCE. Si celle-ci n’est pas suffisamment efficace, c’est parce que la Russie bloque son fonctionnement. Les Russes se comportent, a-t-il dit, comme des enfants qui cassent leur jouet et en réclament un autre. « Prendre Medvedev au mot ? Oui, mais lequel ? Quand il affirme que Moscou doit avoir des privilèges dans les pays de l’ex-URSS ou quand il veut garantir l’intégrité territoriale ? »