France/Russie : dialogue offensif et partenariat stratégique

Dmitri Medvedev effectue à Paris une visite d’Etat de quatre jours, à partir du lundi 1er mars. Cette visite marque le lancement officiel de l’année croisée France-Russie qui comporte un grand nombre de manifestations culturelles dans les deux pays. Nicolas Sarkozy va profiter de cette visite pour poursuivre le « dialogue offensif » avec la Russie.

Qu’elle soit dangereuse ou non, la Russie est là où elle est et elle est incontournable, disait récemment le conseiller diplomatique du président de la République, Jean-David Levitte. La France se prononce pour la conclusion du « partenariat stratégique » entre l’Union européenne et la Russie. Les négociations sont en panne depuis des années, à cause d’abord de différends entre quelques pays membres de l’UE et Moscou, ensuite de la guerre russo-géorgienne de 2008.

Nicolas Sarkozy n’est pas rancunier. Il ne semble pas tenir rigueur aux dirigeants russes de ne pas avoir tenu les engagements qu’ils avaient pris devant lui au moment où le président français négociait le cessez-le-feu avec la Géorgie. Certes la diplomatie française n’avait pu arracher à la Russie le respect de l’intégrité territoriale de la Géorgie. D’ailleurs quelques semaines après la fin du conflit, Moscou reconnaissait l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud, les deux provinces sécessionnistes. Mais les Russes s’étaient engagés à ramener leurs troupes au niveau d’avant le début des hostilités et à accepter des observateurs internationaux des deux côtés des nouvelles « frontières ». Arguant de la « souveraineté » de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud, ils y installent des bases militaires et leurs affidés interdisent la présence des observateurs de l’Union européenne sur leur territoire.

Qu’à cela ne tienne, la France se déclare prête à engager une négociation sur la proposition avancée par Dmitri Medvedev d’une nouvelle architecture européenne de sécurité. Le président russe ne cache pas qu’il s’agit d’entériner l’existence de zones d’influences en Europe, dans ce que la Russie appelle sont « étranger proche », et d’accorder un droit de veto à Moscou sur toutes les décisions de l’Alliance atlantique. La nouvelle doctrine stratégique de la Russie cite d’ailleurs l’élargissement de l’OTAN comme la principale menace pour sa sécurité.

La seule réserve mise par Paris à cette négociation, est que celle-ci doit avoir lieu dans le cadre de l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, une organisation très critiquée ces dernières années par le Kremlin, parce qu’elle s’est trop intéressée, à son gré, aux conditions des élections organisées dans les pays postsoviétiques. Les alliés occidentaux, et en particulier les Américains, sont plus circonspects, malgré la volonté du président Obama de relancer les relations avec la Russie, car ils considèrent que Moscou doit d’abord tenir les engagements déjà pris.

Il est peu probable que cette négociation s’engage avant le renouvellement du traité START sur la limitation des armements stratégiques entre la Russie et les Etats-Unis, venu à échéance en décembre 2009. Les discussions sont terminées à 97%, disent les diplomates mais elles achoppent toujours sur les questions de vérification. De plus, Vladimir Poutine a semblé lier la conclusion d’un accord à une renonciation complète des Etats-Unis au bouclier antimissiles en Europe. Les conditions posées par le premier ministre sont interprétées comme la volonté de priver d’un succès diplomatique Dmitri Medvedev qui s’était beaucoup avancé sur la conclusion d’un nouvel accord START dans ses tête-à-tête avec Barack Obama.

Le symbole de cette coopération stratégique franco-russe devrait être la vente à la Russie du bâtiment de projection et de commandement Mistral, un navire qui peut transporter seize hélicoptères, quelques dizaines de chars et jusqu’à 900 hommes. La décision qui a donné lieu à des discussions entre l’Elysée et le ministère des affaires étrangères aurait déjà été prise, les autorités françaises cherchant le meilleur moyen de l’annoncer sans brusquer ses alliés.

Les Etats-Unis considèrent que la France donne un mauvais signal alors que la Pologne et les Etats baltes s’inquiètent de l’utilisation que la Russie pourrait faire de ce bâtiment dans son « étranger proche », d’autant plus que la Russie achèterait la licence pour en construire plusieurs exemplaires. Du côté français, on minimise l’intérêt opérationnel du Mistral. Un haut responsable de l’armée russe a toutefois eu l’honnêteté de reconnaitre qu’avec ce bâtiment la guerre contre la Géorgie aurait été plus rondement menée.

Outre les bénéfices économiques et commerciaux que la France espère tirer de ce rapprochement – et qui ont fait l’objet de discussions entre François Fillon et Vladimir Poutine en décembre 2009 —, Paris attend des retombées diplomatiques sous forme notamment d’un soutien russe à une aggravation des sanctions contre l’Iran.