François Hollande a expliqué, au cours de sa récente conférence de presse, pourquoi la France s’engageait en Irak contre « Da’ech », l’acronyme arabe de l’Etat islamique. Il a insisté sur la priorité donnée à la sécurité de la France. Celle-ci serait menacée si le terrorisme se développait sans entrave au Moyen-Orient. L’argument n’est pas faux et il est nécessaire qu’il soit répété et compris à un moment où l’opinion pourrait penser que le président de la République devrait s’intéresser davantage à la situation économique et sociale de ses concitoyens.
Les premières frappes des avions Rafale français partis des Emirats arabes unis où ils sont basés ont coïncidé avec la conférence de presse présidentielle. Ce n’est pas un hasard. François Hollande avait besoin de démontrer qu’il agissait en tant que chef d’Etat et chef des armées. Et quelle meilleure preuve que l’engagement de soldats français dans ce qu’il n’a pas hésité à qualifier de guerre.
Il y a un an, à la même époque, François Hollande était prêt à engager l’aviation française dans des bombardements contre le régime syrien coupable d’avoir utilisé des armes chimiques contre sa propre population. Il n’a pas été suivi par Barack Obama, impressionné par le refus de la Chambre des communes britannique de participer à une opération militaire contre Bachar el-Assad. Le président de la République n’a pas manqué d’y faire allusion et de reprendre une critique implicite à l’égard des Américains : faute d’une intervention internationale en 2013, les djihadistes se sont « engouffrés dans la brèche ».
Ce raisonnement est partagé par l’ancienne secrétaire d’Etat de Barack Obama, Hillary Clinton, et par les néoconservateurs américains. Il est contesté par d’autres responsables politiques. Ces derniers estiment que des bombardements auraient affaibli le régime de Damas et donc profité aux djihadistes plus encore qu’à l’opposition syrienne modérée.
Il est impossible de trancher cette controverse mais force est de constater que la détermination de François Hollande de 2013 a laissé place à une certaine prudence. Aujourd’hui, il est très clair : « il n’y aura pas de troupes au sol », a-t-il dit – c’est ce que dit officiellement aussi le président américain qui est implicitement contredit par son chef d’état-major —, et « nous n’interviendrons qu’en Irak », a-t-il poursuivi. Autrement dit, il n’est pas question que la France suive les Etats-Unis si ceux-ci venaient à décider de bombarder les extrémistes islamistes qui se trouvent en Syrie.
Il y a plusieurs raisons à ce qui peut apparaître comme un changement de la position française depuis un an. D’abord, les cibles ne seraient pas les mêmes. En 2013, il s’agissait des forces de Bachar el-Assad ; il s’agit maintenant des djihadistes qui sont censés le combattre. Ensuite, il a une différence entre intervenir contre un Etat coupable de crimes contre l’humanité (l’usage des armes chimiques) et intervenir dans un Etat sans le consentement des autorités de ce dernier. Or s’entendre avec Damas pour une action coordonnée contre « Da’ech », ce que le gouvernement syrien a proposé, reviendrait à légitimer le pouvoir d’Assad. Ces arguments peuvent être entendus. En revanche, le danger que représenteraient pour les appareils français la chasse syrienne et les systèmes anti-aériens livrés par les Russes, valait autant il y a un an qu’aujourd’hui.
L’explication de la prudence de François Hollande vis-à-vis de la Syrie tient aussi et surtout au constat que même aidée militairement – et la France lui a livré des armes -, l’opposition syrienne modérée ne peut pas se débarrasser de Bachar el-Assad par la force. La solution du conflit qui a fait quelque 200 000 morts en trois ans passe par la négociation et un compromis avec le régime en place. Ni Paris, ni Washington, ne réclament plus le départ d’Assad, encore moins ne l’annoncent-ils comme imminent. Il n’est pas un allié potentiel ou virtuel, comme peut l’être le régime iranien, mais il n’est plus l’ennemi principal.