François Hollande l’Africain ou le « gendarme malgré lui »

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Dans la même journée, François Hollande a rencontré deux visages opposés de l’Afrique. Mardi 10 décembre au matin, il était à Soweto, en Afrique du sud, pour la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela, l’homme de la réconciliation entre les Noirs et les Blancs, le père de la « nation arc en ciel » qui, malgré la violence et les disparités sociales, pourrait être un exemple de démocratie pour l’ensemble du continent. En fin d’après-midi le président de la République a fait une escale à Bangui, la capitale de la République centrafricaine, en proie à l’insécurité, aux pillages et aux massacres communautaires et religieux. Deux soldats français avaient trouvé la mort le matin même, victimes de miliciens qui mettent la ville en coupe réglée.

La France intervient en Centrafrique avec un contingent de 1600 soldats. C’est le deuxième engagement de forces françaises en Afrique en moins d’un an. En janvier, c’était au Mali pour chasser les bandes d’Al Qaida. Aujourd’hui, c’est pour rétablir l’ordre dans un des pays les plus pauvres du continent. La France n’est pas le gendarme de l’Afrique, répètent les dirigeants français. Officiellement, elle intervient à la demande des Africains avec un mandat de l’ONU voté à l’unanimité par le Conseil de sécurité. Elle le fait en appui des forces africaines déjà sur place et qui devraient être en mesure de prendre le relai dans quelques mois. Elle le fait parce qu’elle est la seule puissance qui ait à la fois la volonté et la capacité de s’engager militairement sur un théâtre africain.

Au début de l’année déjà quand les milices de la Séléka menaçaient Bangui, François Hollande, occupé au Mali, avait affirmé que les quelque 250 soldats français présents sur place n’avaient pas pour mission de défendre le pouvoir du président François Bozizé mais seulement de protéger la population d’origine européenne. Et en effet, les Séléka ont déposé Bozizé en mars pour le remplacer par Michel Djotobia. C’est face à la dégradation de la situation sécuritaire que les Etats-Unis qualifiaient de « pré-génocidaire » – plus de 400 morts au cours des derniers jours – que le président de la République a décidé d’envoyer des renforts.

La mort de deux soldats au premier jour du déploiement montre que l’intervention est risquée et plus complexe qu’au Mali. Elle pourrait être aussi plus longue que ne l’admettent les autorités françaises car il n’est pas sûr que les forces africaines soient en mesure de remplir leur rôle dans un délai de quelques mois. Son objectif même est ambigu. S’agit-il simplement de désarmer les différentes milices, d’assurer la sécurité et d’empêcher que le pays devienne la plaque tournante de tous les trafics dans le centre de l’Afrique ? Ou de créer les conditions d’une transition démocratique, comme l’a laissé entendre François Hollande quand il a mis en cause la légitimité du président Djotobia ? Sauver des vies ou changer le régime ?

Après l’activisme des années George W. Bush, le politologue Richard Haass avait surnommé les Etats-Unis « the reluctant sheriff ». Si la France donne donc l’impression d’être le gendarme de l’Afrique, c’est un « gendarme malgré elle ». Mais un gendarme tout de même. Malgré les dénégations officielles.