En politique intérieure, économique, sociale, c’est relativement facile. Le « détricotage » du sarkozysme a été mené tambour battant depuis l’élection présidentielle du 6 mai et les législatives qui ont suivi. Pour la politique étrangère, c’est plus compliqué. Car l’action diplomatique est moins fondée sur les préférences idéologiques que sur les intérêts nationaux. Et ces intérêts ne fluctuent pas au gré des échéances électorales. Le discours de politique étrangère que le deuxième président socialiste de la Vè République a prononcé, le lundi 27 août, à l’ouverture de la conférence des ambassadeurs, a été l’illustration de cette double nécessité : imprimer sa marque en tenant compte des pesanteurs internationales.
Sur le style, pas de doute. La présidence Hollande se distinguera du quinquennat Sarkozy. A « l’impulsivité » détectée par l’ancien ministre socialiste des affaires étrangères Hubert Védrine, succèdera une forme de continuité soucieuse de synthèse.
Sur les grands défis auxquels doit faire face la diplomatie française – Syrie, Iran, Proche-Orient, etc. —, la réponse de François Hollande est proche de celle de son prédécesseur. Dans le conflit syrien, le président, accusé par la droite « d’inaction » a mis en avant plusieurs propositions qui, si elles sont suivies d’effets, pourraient aller jusqu’à engager la France dans une action armée (au cas où le régime de Damas utiliserait des armes chimiques ou biologiques). Et François Hollande a exhorté l’opposition syrienne à former un gouvernement provisoire que Paris reconnaitra immédiatement. On ne peut s’empêcher de penser à la reconnaissance unilatérale du Conseil national de transition libyen par Nicolas Sarkozy, en mars 2011, alors que ce CNT, issu de Benghazi, était à peine constitué. Sur l’Iran et le conflit israélo-palestinien, c’est la position traditionnelle. Aucune idée nouvelle n’a été avancée, sans doute parce que l’imagination a atteint ses limites sur ces deux fronts.
A propos de l’Europe et de l’Afrique, le chef de l’Etat s’est voulu plus original. Il a défendu ce qu’il a appelé la « renégociation » du pacte budgétaire, même si le mot est largement inapproprié. Il peut se targuer cependant d’avoir obtenu d’Angela Merkel l’agrégation de différentes sommes disponibles pour en faire un « pacte de croissance » de 120 milliards d’euros. Il a réduit l’Union pour la Méditerranée chère à Nicolas Sarkozy à une pragmatique « Méditerranée de projets » et veut relancer le groupe 5+5 (cinq Etats de la rive nord, cinq Etats de la rive sud) pour que les pays riverains se retrouvent entre eux, sans les partenaires de l’Europe du Nord qui sont pourtant les principaux bailleurs de fonds.
Concernant l’Afrique, François Hollande, qui se rendra au sommet de la francophonie à Kinshasa « pour dire ce qu’il pense » sur la République démocratique du Congo, comme sur d’autres pays africains, veut résoudre la quadrature du cercle : vigilance démocratique et respect des choix souverains. D’autres s’y sont essayés avant lui et sont en général revenus à la bonne vieille connivence de la « Françafrique », mais il ne faut pas lui faire de procès d’intention. Avec Nicolas Sarkozy en point de mire, il s’est engagé à en finir avec le « discours larmoyant » sur une Afrique dont il a vanté le dynamisme économique et démographique, à l’opposé de la théorie de « l’homme africain qui n’est pas entré dans l’Histoire (Nicolas Sarkozy lisant du Henri Guaino à Dakar en 2007).
Dans l’ensemble, il n’a pas manqué de souligner la place à part de la France dans les relations internationales, exercice obligé de tout président de la République dont le rôle est de maintenir un « rang » (comme disait François Mitterrand). Non sans ajouter une touche de modestie bien venue : il lui revient, dit-il, de déterminer ce que la France doit faire, et surtout ce qu’elle peut faire ». Toute la difficulté de sa tache tient dans cette nuance.