Le projet de budget européen pour les années 2014-2020 adopté à Bruxelles par les chefs d’Etat et de gouvernement adresse aux peuples un mauvais signal au moment où les Vingt-Sept prétendent renforcer leur union économique et politique. En réduisant les dépenses communautaires, déjà relativement faibles par rapport au PIB européen, les Etats membres manifestent en effet une frilosité qui contraste avec leurs ambitions affichées pour l’Europe. Sous l’impulsion de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, ils refusent de donner à l’Union les moyens de jouer un rôle décisif dans le redressement des économies européennes.
Certes on peut comprendre qu’en ces temps d’austérité les finances communautaires soient revues à la baisse comme le sont les finances nationales. Le budget européen étant alimenté, pour l’essentiel, par des contributions des Etats membres, il peut paraître normal que ces Etats, pour la plupart lourdement endettés et décidés à couper dans leurs dépenses, appliquent à l’Europe la rigueur qu’ils s’imposent à eux-mêmes. Comme l’a indiqué le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, « nous ne pouvons simplement pas ignorer les réalités extrêmement difficiles » qui affectent la plus grande partie du continent.
Pourtant ce choix semble relever d’un calcul à court terme. A plus long terme, l’accroissement du budget peut apparaître au contraire comme une réponse aux restrictions subies par les budgets nationaux, notamment dans les domaines-clés de la recherche et de l’innovation, où la valeur ajoutée de l’Europe prend tout son sens face aux programmes souvent concurrents des Etats membres. « De la crise les dirigeants nationaux ont finalement tiré la conclusion que la solution passait par une Europe plus faible et moins solidaire », souligne le président de la Commission budgétaire du Parlement européen, Alain Lamassoure. Comme nombre de ses collègues, il tire pour sa part la conclusion inverse.
En réalité, ce qui est en cause, c’est moins la faiblesse des perspectives financières 2014-2020 que leur répartition. Les deux postes les plus importants demeurent la politique agricole commune (PAC) et les fonds de cohésion pour les régions les plus pauvres, au détriment des dépenses de recherche et d’investissement qui sont les principaux leviers de la croissance. Il ne s’agit évidemment pas de mettre fin au financement de la PAC ou à celui des aides régionales mais de remettre à plat ces dispositifs pour les réformer et surtout de rééquilibrer le budget européen au bénéfice des programmes qui favorisent la compétitivité, le développement, la formation.
Mis en minorité au sein du Conseil européen, François Hollande n’a pu faire prévaloir le pacte de croissance qu’il a fait adopter par ses partenaires, même s’il a qualifié de « bon compromis » l’accord obtenu à Bruxelles. Interpellé à Strasbourg par deux des chefs de file de la droite, Joseph Daul, président du groupe du Parti populaire, et Alain Lamassoure, il n’a pas manqué de rappeler que c’est une majorité de droite au Conseil européen qui a imposé ses vues. Toutefois l’affrontement dépasse le clivage droite-gauche. Aujourd’hui c’est entre le Conseil européen et le Parlement qu’il a lieu. Pour la première fois, les eurodéputés ont le pouvoir de refuser l’accord qui leur est proposé. Ce n’est pas le moindre enjeu de ce débat que de donner la parole, à travers le Parlement européen, aux élus du suffrage universel direct.
Une version raccourcie de cet article est publiée dans l’hebdomadaire Réforme du 14 février