L’Europe n’est plus le continent où se joue l’avenir de la planète, comme pendant la Guerre froide quand les deux blocs s’y faisaient physiquement face. A vrai dire, cette situation dure depuis deux décennies déjà. Mais il a fallu du temps pour en prendre conscience et surtout pour modifier les mécanismes qui avaient été mis en place pendant les quarante années précédentes.
C’était évident à Londres, au sommet du G20. Le nombre à lui seul donne la mesure du déclin relatif de l’Europe. Avant elle fournissait quatre membres sur sept du G7. Maintenant elle est en nette minorité. Les pays qui comptent sont les émergents et si des compromis difficiles doivent être trouvés, ils sont négociés directement entre le président américain et son collègue chinois. Les Etats-Unis ont beau être une puissance en crise, ils restent inégalés.
Cela ne veut pas dire que les Européens aient dû se contenter de rôles de figurants. Ils peuvent même se flatter d’avoir impulsé quelques décisions du G20 et d’avoir obtenu de haute lutte que la régulation des marchés financiers soit inscrite dans le communiqué final. Sans l’insistance de Nicolas Sarkozy, allié pour la circonstance à Angela Merkel, il y a fort à parier que les Vingt se seraient contentés de vœux pieux.
La tenue du sommet atlantique à Strasbourg et Baden-Baden, avec la traversée à pieds de la passerelle des deux rives entre Kehl et la capitale alsacienne était un beau symbole de la réconciliation franco-allemande et de l’unité de l’Europe. Toutefois ce n’est pas la situation sur le vieux continent qui a été la plus discutée par les chefs d’Etat et de gouvernement. C’est la situation en Afghanistan. Il serait hâtif d’en conclure que l’Europe est sortie de l’histoire, et même si c’était le cas, peut-être faudrait-il s’en réjouir. Il reste que le sort de la planète se joue ailleurs.
Il se joue aussi entre la Russie et les Etats-Unis quand il est question du désarmement nucléaire auquel Barack Obama s’est rallié. Le nouveau président américain semble avoir été convaincu que la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive passe dans un premier temps par une réduction drastique des arsenaux nucléaires des deux grandes puissances atomiques et dans un deuxième temps par « l’option zéro », la destruction de toutes les armes nucléaires. Il sera intéressant de connaître la réaction officielle de la France qui depuis les années 1960 fonde sa sécurité sur la dissuasion nucléaire. Si Nicolas Sarkozy se prononçait en faveur de l’option zéro, ce serait une nouvelle rupture avec l’héritage gaulliste.
Cet effacement relatif de l’Europe a plusieurs causes. La première est extérieure, la montée de l’Asie. La seconde est endogène : la faiblesse institutionnelle de l’Union européenne qui, comme le dit Zbigniew Brzezinski « n’a ni armée ni tête ». On invoquera alors le traité de Lisbonne et son indispensable ratification. Mais qui croit encore en ses vertus ?