Barack Obama s’est-il inspiré d’une chronique de Roger Cohen, l’éditorialiste du New York Times, qui lui suggérait de nommer un Arabo-américain comme représentant spécial pour le Proche-Orient ? " Je n’ai rien contre les émissaires d’origine juive, Dennis Ross, Martin Indyk, etc. dont les noms étaient évoqués pour ce poste, mais ils sont reçus avec un préjugé défavorable dans les capitales arabes"…
C’est un ancien sénateur aux origines libanaises que Barack Obama a désigné. George Mitchell est connu pour avoir servi d’intermédiaire entre les factions nord-irlandaises en 1998 et 1999 et pour avoir dirigé une commission d’enquête au moment de la deuxième Intifada en 2000. Agé de 75 ans, il est né d’une mère libanaise, qui travaillait la nuit dans l’industrie textile pour nourrir ses cinq enfants, et d’un père d’origine irlandaise, concierge dans une université. Après la mort de celui-ci, il a été élevé par une famille libanaise. Il parle encore quelques mots d’arabe.
Après ses études, George Mitchell est devenu assistant du sénateur du Maine Edmund Muskie, avant d’entamer une carrière judiciaire et d’entrer au Sénat en 1980. Il en sera le président pendant huit ans. Sous l’administration Clinton, il refuse un poste à la Cour suprême pour rester au Congrès. Toujours sensible à la défense des valeurs démocratiques, il interroge sans ménagement le colonel Oliver North pendant les auditions de la commission d’enquête sur le trafic d’armes avec l’Iran et les « contras » du Nicaragua. « Reconnaissez, lui dit-il, qu’il est possible pour un Américain de ne pas être d’accord avec votre aide aux contras et cependant d’aimer ce pays autant que vous ».
Après sa médiation largement réussie dans le conflit nord-irlandais, la ligue de base-ball fait appel à lui pour enquêter sur l’usage des drogues dans ce sport. Mais c’est surtout le rapport sur la deuxième Intifada commandé par Bill Clinton en 2000 et remis en 2001 à son successeur George W. Bush qui explique le choix de Barack Obama.
Avec trois autres personnalités internationales, George Mitchell a enquêté sur les origines de la deuxième Intifada et proposé quelques recommandations. Bien que manquant d’originalité, celles-ci ont été intégrées dans la « feuille de route » du Quartet (Etats-Unis, Union européenne, Russie, ONU) chargé de relancer le processus de paix au Proche-Orient. Les Israéliens ont trouvé que le rapport Mitchell était trop « équilibré ». La direction palestinienne n’a rien fait pour empêcher la violence mais rien ne prouve qu’elle en ait été à l’origine, concluait-il. Il demandait aux Palestiniens de mettre un terme aux actions terroristes et à Israël de geler les colonies dans les territoires palestiniens, y compris sous forme de croissance « naturelle ».
La nomination de George Mitchell comme représentant spécial du président américain a été mieux accueilli par les Arabes qu’à Jérusalem. La droite israélienne se méfie d’un gouvernement des Etats-Unis « qui cherche à faire avancer les choses et si possible en finir avec le conflit », écrit Yael Paz-Melamed, dans le quotidien de gauche Haaretz.
Il reste que si l’objectif du rapport Mitchell – « ramener la confiance entre les deux parties au conflit » —, est toujours d’actualité, il ne suffit pas d’invoquer ce beau principe pour réussir. La politique qui a suivi la publication du rapport s’est traduite par un échec. Or depuis le début des années 2000, la situation sur le terrain s’est aggravée. L’Autorité palestinienne a à sa tête un leader faible dont on ne sait pas s’il est en mesure d’imposer un compromis. Bien qu’affaibli militairement par la guerre à Gaza, le Hamas demeure une force politique. Enfin, les élections du 10 février en Israël pourraient ramener au pouvoir un gouvernement de droite sous la direction de Benjamin Netanyahou. Pour Barack Obama, l’équation se complique.