La Russie justifie son invasion de la Géorgie en disant qu’il s’agit de défendre des « citoyens russes ». Un argument que Nicolas Sarkozy a affirmé « comprendre », en estimant « normal » que Moscou veuille « défendre les intérêts des russophones » hors de ses frontières. Ce qui n’est pas du tout le cas de Carl Bildt, le ministre suédois des affaires étrangères, qui évoque à ce sujet un souvenir historique précis : « aucun Etat n’a le droit d’intervenir militairement dans le territoire d’un autre Etat au prétexte qu’il s’y trouve des gens qui disposent d’un passeport ou sont citoyens dudit Etat. Les tentatives d’appliquer une telle doctrine ont plongé l’Europe dans la guerre dans le passé. Rappelons comment Hitler a utilisé cette doctrine il y a un peu plus de 50 ans pour infiltrer et attaquer de bonnes parts de l’Europe centrale ».
La vision russe
Voici comment la Russie présente les événements récents dans le Caucase : « dans la nuit du 7 au 8 août, la Géorgie a agressé la république sécessionniste d’Ossétie du Sud. L’armée géorgienne a pilonné la capitale sud-ossète, Tskhinvali, la rayant pratiquement de la carte et tuant des centaines de civils. Pour y mettre un terme, la Russie a lancé une opération visant à contraindre Tbilissi à la paix. Mardi 12 août, le président russe Dmitri Medvedev a annoncé la fin de cette opération. Le jour suivant, les unités russes ont quitté l’Ossétie du Sud » (source RIA Novosti, 14 août).
Les Russes et les Géorgiens s’adressent mutuellement des accusations de « nettoyage ethnique ». La Russie ose même le mot de "génocide". Pour marquer l’importance qu’attribuent les autorités russes à ce « génocide », Moscou a tenu mercredi 13 août une journée de deuil national en mémoire des victimes du conflit.
Bilan humain
Il est encore trop tôt pour dresser un bilan humain des affrontements. Selon le ministère russe des Affaires étrangères (MID), cette agression a fait quelque 1600 victimes parmi les civils. Le bilan de la guerre, tel que présenté par Moscou, est contesté par plusieurs ONG. Anna Neistat, une responsable de l’ONG Human Rights Watch, s’interroge dubitativement sur ce chiffre : "Cela paraît douteux, trop élevé, déclare-t-elle. Dans les conflits armés de ce type, le nombre de blessés est trois fois plus élevé que les morts. Or on n’a pas entendu parler de 6000 blessés ou plus."
Propagande et réalité
Pour le philosophe américain Michael Walzer (dans la revue Dissent), « cette guerre est injuste. Les Russes ont beaucoup réfléchi pour justifier leur attaque, employant le langage humanitaire que n’importe qui utilise désormais pour défendre des opérations militaires dans un autre pays. Il est important de répondre à ces arguments, notamment parce qu’ils ont reçu un certain écho en Europe. Il est relativement aisé de le faire puisque des journaliste des défenseurs des droits de l’homme ont été autorisés à se rendre dans des parties de la Géorgie désormais sous contrôle russe".
"Ainsi, poursuit Michael Walzer, nous savons que la ville de Tskhinvali n’a pas été détruite par l’armée géorgienne. "Les combats semblent s’être concentrés sur deux quartiers, tandis que les immeubles du reste de la ville sont restés intacts", indique le New York Times (13 août 2008). "Des quartiers résidentiels entiers semblent ne pas avoir été touchés". Le chiffre de 2000 victimes civiles suite à l’attaque géorgienne, chiffre avancé par les Russes, n’est pas plus crédible. L’ONG Human Rights Watch, qui s’est rendue à l’hôpital de Tskhinvali, avance le chiffre de 44 morts et 273 blessés, suite aux affrontements entre séparatistes ossètes et soldats géorgiens. Un médecin a expliqué aux journalistes que la majorité des blessés étaient des soldats (source New York Times, 15 août 2008). Le gouvernement Poutine croit apparemment que des chiffres trop faibles ne seront pas persuasifs, et ce grand mensonge peut avoir de l’effet en Russie, où le gouvernement contrôle les médias. Le reste du monde ne devrait pas accorder de crédit à ces chiffres. L’intervention russe n’est pas une intervention humanitaire, non plus qu’une opération de maintien de la paix".