Harlem Désir : changer d’orientation en Europe

Tête de liste socialiste en Ile-de-France pour les élections européennes du 7 juin, eurodéputé sortant, vice-président du groupe socialiste du Parlement européen, Harlem Désir était l’invité de « Parcours européen », samedi 21 mars, sur Fréquence protestante (FM 100.7, http://www.frequenceprotestante.com/). Extraits d’un entretien réalisé par Thomas Ferenczi.

Depuis que les élections européennes ont lieu au suffrage universel direct, le taux d’abstention ne cesse d’augmenter. En 2004, la participation était en France de 42, 7 %. Comment convaincre les Français d’aller voter le 7 juin ?

 

Il y a un paradoxe dans la baisse continue du taux de participation alors même que le Parlement européen n’a cessé de voir ses pouvoirs renforcés. Celui-ci est aujourd’hui l’acteur central de la législation européenne. Il a également le pouvoir d’élire le président de la Commission. S’il existe dans l’opinion une insatisfaction, des attentes déçues, ce n’est pas parce que l’Europe serait incapable de mener des politiques correspondant aux attentes des citoyens, mais c’est parce que des choix politiques ont été faits par la Commission, acceptés par le Conseil et rendus possibles par la majorité de droite du Parlement européen. Pour changer les politiques de l’Union européenne, il faut utiliser les pouvoirs du Parlement européen en disant aux citoyens : Si vous n’avez pas été satisfaits par la politique qu’incarne notamment le chef de l’exécutif européen, José Manuel Barroso, et si vous souhaitez un changement de direction, vous devez changer la majorité du Parlement européen et porter à la tête de la Commission quelqu’un qui soit dans la lignée de Jacques Delors. Voilà pourquoi nous proposons la candidature de l’ancien premier ministre danois Poul Nyrup Rasmussen, président du Parti socialiste européen.

 

Il y a pourtant au sein des institutions européennes une tradition de consensus, qui est contraire à l’idée d’un affrontement direct entre la droite et la gauche. D’ailleurs trois chefs de gouvernement sociaux-démocrates, le Britannique Gordon Brown, l’Espagnol José Luis Zapatero et le Portugais José Socrates, soutiennent la candidature de José Manuel Barroso à un second mandat.

 

L’histoire européenne, c’est vrai, a été celle d’un compromis entre sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens. Il a fallu que les Européens des deux camps fassent alliance sur l’idée même de construire une Europe communautaire. Mais le temps est venu de dire clairement aux citoyens qu’il existe deux visions de l’Europe. L’une, celle de la gauche, veut réguler l’économie pour la mettre au service du progrès social quand l’autre, celle de la droite, demande toujours plus de dérégulation. Aujourd’hui, l’Europe, dans le cadre de ses institutions, existe et nous voulons la défendre. Mais il faut ouvrir la possibilité d’une alternance politique au sein de l’espace européen. Il ne s’agit pas de changer d’Europe mais d’en changer l’orientation. Sans doute certains chefs de gouvernement sociaux-démocrates ont-ils apporté leur soutien à José Manuel Barroso. C’est parce qu’ils privilégient une approche nationale. Gordon Brown, par exemple, pense obtenir pour Tony Blair, en échange de son soutien à José Manuel Barroso, la présidence de l’Union. Mais je pense que nous devons assumer le caractère politique de la fonction de président de la Commission et soutenir un candidat qui s’engage sur un programme cohérent avec nos orientations. 

 

La désaffection des citoyens à l’égard de l’Union européenne n’est-elle pas due aussi à une certaine indifférence des partis politiques ?

 

Les partis politiques devraient faire en sorte, en effet, que l’Europe soit plus visible. Il faut essayer de réenchanter l’Europe en lui donnant de grandes ambitions. Si les citoyens s’en détournent, c’est peut-être aussi parce qu’elle a choisi de se limiter à la gestion du marché intérieur. Mais ce qu’on attend de l’Union européenne c’est aussi qu’elle nous aide à défendre un autre modèle de société dans un monde où le « court-termisme » capitaliste à tout prix vient de prouver son échec. Elle doit être un des moyens de penser une économie qui ait du sens, qui soit au service de l’homme et du bien-être social, qui instaure à son échelle des mécanismes de solidarité et de redistribution.