Présenté comme une des principales innovations du traité de Lisbonne, le rôle de président du Conseil européen existe en réalité depuis 1974, date de la création du Conseil européen. Il était jusqu’à présent assuré par le chef d’Etat ou de gouvernement de l’Etat exerçant la présidence tournante de l’Union. Le traité de Lisbonne a en fait reconfiguré ce rôle par le biais de deux grands changements. En premier lieu, il allonge le mandat en le faisant passer à 2 ans et demi, renouvelable une fois, au lieu des 6 mois auxquels correspondait la présidence tournante. En second lieu, le président du Conseil européen n’est plus lié à un Etat dans la mesure où il n’est pas autorisé à exercer un mandat national. Il va pouvoir disposer d’une équipe qui lui sera directement attachée, mais qui ne devrait pas dépasser quelques dizaines de personnes.
Les compétences qui lui sont attribuées par le traité se concentrent sur la préparation, la conduite et le suivi du Conseil européen. Le président du Conseil européen est essentiellement chargé de rechercher la « cohésion » et le « consensus », à l’image du mode de fonctionnement de l’Union. Il est également investi de compétences limitées en matière de représentation extérieure.
Entre opportunités et concurrences
Cependant, ces énoncés sont en mesure d’évoluer par la pratique. Le président du Conseil européen possède une position privilégiée en étant à la tête d’une réunion regroupant les chefs de l’exécutif des 27 Etats membres. Elle peut lui permettre d’agir en leader, plutôt que de rester confiné au rôle de chairman esquissé par le traité. Le président du Conseil européen dispose de plusieurs instruments de légitimation qui justifieraient une telle attitude : l’exercice à plein temps d’un mandat d’une durée relativement longue et une désignation par les chefs des exécutifs nationaux. La construction européenne a souvent été façonnée par ses acteurs avant que les textes ne viennent formaliser les évolutions. Le caractère novateur associé à ce poste laisse de plus une large marge de latitude à son titulaire pour le façonner.
Il doit néanmoins composer avec la multiplication des « figures européennes ». Le Président du Conseil européen se retrouve aux côtés des autres acteurs supranationaux en place, notamment le Président de la Commission européenne, mais également le Président d’un Parlement européen qui a encore gagné de nouvelles compétences, ainsi qu’un Haut représentant également renforcé. Plus complexe encore, il risque de se retrouver confronté à la concurrence du chef de l’Etat exerçant la présidence tournante de l’Union car cette dernière va continuer d’exister. Dépourvu de la responsabilité de présider le Conseil européen, il cherchera également à définir son nouveau rôle pendant les 6 mois où son Etat présidera l’Union et l’ensemble des formations du Conseil des Ministres à l’exception du Conseil Affaires étrangères.
La politique extérieure, un domaine concurrentiel
Le domaine de la politique étrangère européenne risque d’être particulièrement disputé. Au sein de l’Union, le Haut représentant pour la politique étrangère et la politique de sécurité présidera le Conseil Affaires étrangères, mais au niveau externe, il devra déterminer ses actions en collaboration avec le Président du Conseil européen. En effet, le traité de Lisbonne en stipulant que « le président du Conseil européen assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des attributions du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » oblige nécessairement à une interprétation de la répartition des compétences.
D’un côté, le Haut représentant pourra s’appuyer sur le nouveau « Service européen pour l’action extérieure ». Cette sorte de service diplomatique européen, composé à la fois de fonctionnaires de la Commission, du Secrétariat général du Conseil et de diplomates des Etats membres, constituera une ressource importante. Mais elle n’est encore qu’au stade d’embryon, et son développement promet d’être étroitement contrôlé par les Etats.
D’un autre côté, le Président du Conseil européen devra également se trouver un rôle afin d’exister en dehors des périodes des conseils européens. Le Haut représentant ne semble guère en mesure de pouvoir échapper à une claire soumission hiérarchique vis-à-vis du président du Conseil européen.
Enfin, le prestige qu’offre la stature de représentant de l’ensemble de l’Union auprès des Etats tiers peut aussi inciter le chef de l’Etat exerçant la présidence tournante à ne pas laisser le domaine de la politique étrangère lui échapper totalement.