Hillary Clinton au Proche-Orient : analyses circonspectes de la presse régionale

Entre ceux qui soulignent le même discours américain et ceux qui relèvent les frémissements du changement, les réactions à la première tournée de la nouvelle Secrétaire d’Etat de l’administration Obama au Proche-Orient, dans la presse de la région, reflètent bien les divisions arabes, palestiniennes et israéliennes.

Dès l’entrée en scène de Hillary Clinton à l’occasion de la grand messe de Charm El-Cheikh pour la reconstruction de Gaza, nombre d’éditorialistes de la presse arabe ont souligné la permanence du parti pris américain sur la scène intérieure palestinienne à travers le refus que toute aide passe par le Hamas, qui s’était pourtant montré conciliant, selon les déclarations de ses représentants rapportées par le site Islamonline, « accueillant favorablement tous les efforts pour la reconstruction de Gaza. »

L’un des rares journalistes palestiniens qui a eu le privilège d’une très brève rencontre avec Hillary Clinton, Daoud Kuttab raconte « les coulisses de Sharm El-Sheikh » sur le site Amin.org. Pour seule réponse à l’unique question qu’il a été autorisé à poser sur « la punition collective infligée à la population de Gaza , la Secrétaire d’Etat aurait répondu « c’est Hamas qui est responsable. »

 « Clinton réaffirme l’engagement de Washington pour la sécurité d’Israël » titrait le site de la chaine Al-Jazirah à l’arrivée de Mme Clinton en Israël, insistant sur cette garantie de sécurité « aujourd’hui et pour toujours ». Mais ce constat est tempéré toutefois dans le même article d’Al-Jazira qui cite un responsable du gouvernement israélien sortant, qui souligne que « les positions politiques de Netanyahou vont porter atteinte aux relations d’Israël avec les Etats-Unis et avec l’ensemble de la communauté internationale". Le responsable anonyme ajoute : « Si Clinton ne savait pas avant sa visite au Proche-Orient que les négociations autour d’une solution durable sont bien mortes, elle le saura après ses rencontres avec les nouveaux responsables politiques ».

L’équation des six Etats

Dans une lettre ouverte à Hillary Clinton, l’éditorialiste de Haaretz Bradley Burston résume la mission impossible en parlant de l’équation des « six Etats ». Comparant la campagne pour la paix à celle des élections présidentielles américaines, il conseille à l’ancienne candidate démocrate de concentrer ses efforts sur six états décisifs (swing states). D’abord les quatre Etats et peuples de Terre sainte : Gaza et la Cisjordanie, les colons et le peuple israélien. Et puis il y a la Syrie et l’Iran. Voici les 6 Etats clés pour la paix au Proche-Orient.

Les Palestiniens modérés eux, gardent un espoir prudent. Le jour de l’arrivée de Hillary Clinton à Ramallah, dans un article titré « Une nouvelle ligne sur la même page », le quotidien Al-Ayam écrit « alors que les Américains et le monde attendent l’administration du changement, les Palestiniens en particulier attendent de l’Administration Obama qu’elle rattrape les occasions perdues par celle de Bush. » L’article rappelle que le Président Obama est un homme de parole puisqu’il a promis de faire du dossier de la paix israélo-palestinienne une priorité et voilà que sa Secrétaire d’Etat est sur place pour réitérer la nécessité d’une solution à deux Etats. La déclaration de Madame Clinton s’opposant à la destruction des maisons palestiniennes à Jérusalem a été largement relayée par la presse arabe modérée.

« Des pas hésitants sur un terrain miné »

Sur l’approche régionale, de nombreux commentateurs se sont attardés sur la poignée de main furtive à Sharm EL-Sheikh entre Hillary Clinton et le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Al-Moallem. « Le flirt américano-syrien avance » affirmait en titre un éditorial du quotidien Al-Qods Al-Arabi de Londres, en soulignant que « l’objectif est de ramener la Syrie vers le camp des modérés arabes avec l’Egypte et l’Arabie Saoudite pour qu’elle contribue à défendre les intérêts américains et l’éloigner de l’Iran, du Hamas et Hezbollah… la contrepartie serait un accord de paix entre la Syrie et Israël restituant le Golan. La question demeure de savoir si la Syrie répondra à un tel appel. »

Résumant une impression répandue parmi les commentateurs de la région, Daoud Kuttab dans Amin.org considère que la visite de Clinton s’est caractérisée par « l’hésitation, notamment à parler librement de la politique de la nouvelle administration Obama au Proche Orient. (...) En somme une nouvelle administration américaine arrive dans la région avec une Secrétaire d’Etat aux pas lourds, probablement parce que le terrain est miné par l’administration précédente, avec un gouvernement palestinien soutenu internationalement mais impuissant sur la scène intérieure, l’interdiction faite à Hamas de participer à la reconstruction de Gaza, tant que le mouvement n’aura pas rempli les conditions des donateurs, des désaccords arabes évidents dans la région et Israël qui maintient son blocus » écrit le journaliste palestinien.