Hongrie : crise politique et crise de régime

Avec la démission du Premier ministre hongrois Ferenc Gyurcsanyi, c’est peut-être l’avenir du régime postcommuniste qui se joue actuellement à Budapest.

Les manœuvres se multiplient autour de la proposition spectaculaire du premier ministre hongrois, qui voudrait désigner son successeur avant de quitter le pouvoir. Ferenc Gyurcsanyi (socialiste du MSZP) se trouve considérablement affaibli par la crise internationale qui affecte son pays et souhaite céder la place, à condition que le successeur soit choisi par sa majorité parlementaire de centre-gauche. Il n’a pas vraiment « démissionné » et voudrait que le Parlement vote « une motion de censure constructive », évitant ainsi des élections législatives anticipées un an avant l’échéance normale du printemps 2010.

Mathématiquement, Ferenc Gyurcsany possède une faible majorité. Le principal parti d’opposition, le FIDESZ, dont le président Viktor Orban a été pendant longtemps une personnalité charismatique de la vie politique hongroise, devance largement les socialistes du MSZP dans les sondages. Orban réclame avec ses amis des élections anticipées qui, selon lui, devraient coïncider avec le scrutin européen de juin.

Cette idée est soutenue depuis le 25 mars par le président de la République, Laszlo Solyom, dont les pouvoirs sont toutefois limités. Dans les semaines à venir, cette campagne pourrait être marquée par beaucoup d’agitation, exploitée comme d’habitude par une extrême-droite bruyante et agressive. A noter que les relations du FIDESZ avec les extrémistes restent ambiguës. De part et d’autre, on réalise que sans le concours de cette minorité agissante une victoire écrasante de Viktor Orban serait impossible. D’où les tractations dans les coulisses entre la droite et l’extrême-droite.
En cas d’élections anticipées, le FIDESZ vise la majorité des deux-tiers au Parlement. A part le parti socialiste, il ne devrait y avoir alors à l’Assemblée aucun parti ayant obtenu le minimum de 5% des voix. Ceci explique qu’à l’heure actuelle les libéraux du SZDSZ ou les conservateurs du Forum Démocratique (MDF), menacés de disparition, ne semblent pas souhaiter les élections anticipées. Ils pourraient donc, bon gré mal gré, soutenir la proposition de Ferenc Gyurcsany concernant la « motion de censure constructive » afin de prolonger pendant un an le régime actuel, c’est-à dire leur existence. La droite n’a d’ailleurs aucun programme cohérent susceptible d’éviter à la Hongrie la faillite qui la menace. Un tel programme devrait en tout état de cause comporter une série de mesures impopulaires.

Dans ces conditions, une victoire écrasante du FIDESZ serait un cadeau empoisonné. L’intérêt général commanderait plutôt de réunir les conditions pour la création d’un gouvernement de coalition dominé par des experts, à l’exclusion des apparatchiks de gauche ou de droite manifestement inaptes à trouver des solutions aux problèmes brûlants.

Pour comprendre la crise hongroise, il faut encore avoir un point en mémoire. Une victoire du FIDESZ ouvrirait sans doute la voie à une modification de la Constitution, qui peut être obtenue si la droite et ses alliés ont une majorité des deux tiers. Parmi les modifications attendues figure la « présidentialisation » du système politique hongrois. A qui profiterait cette « présidentialisation » ? Vraisemblablement à Viktor Orban lui-même. Quelle belle revanche sur ses déboires passés s’il était amené à représenter en qualité de président de la Republique son pays, notamment à Bruxelles lorsqu’à partir du 1er janvier 2011 la Hongrie présidera l’Union européenne ?