Malgré l’échec de la motion de défiance présentée contre Theresa May, mercredi 12 décembre, par un groupe de députés conservateurs, la situation politique de la première ministre britannique demeure incertaine. Theresa May joue en effet son avenir politique sur la question du Brexit. En reportant le vote de la Chambre des communes sur l’accord de divorce conclu entre le gouvernement et l’Union européenne, elle s’est seulement donné un peu de temps pour tenter d’en modifier les termes. Sachant qu’une défaite était inévitable, elle a choisi de se retourner vers ses partenaires européens pour obtenir d’eux une renégociation de l’accord. Pour le moment, ils restent inébranlables : le texte est à prendre ou à laisser.
Tenace et volontaire, Theresa May continue de se battre. Elle multiplie les rencontres avec les dirigeants européens dans l’espoir de leur arracher un geste qui l’aiderait à sortir de l’impasse. A la veille du Conseil européen des 13 et 14 décembre, Donald Tusk, son président, a indiqué que ses collègues n’étaient pas disposés à remettre en chantier le document signé il y a quelques semaines entre Londres et Bruxelles mais qu’ils étaient prêts à « discuter de la manière de faciliter la ratification britannique ». Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a également exclu toute renégociation mais jugé possible d’apporter des « précisions » et des « clarifications ».
Ces formules prudentes ouvrent à Theresa May une petite marge de manoeuvre dont elle va tenter d’user pour infléchir le vote des députés britanniques au cours des prochaines semaines. Elle n’a pas indiqué la date du vote à venir mais s’est dite résolue à obtenir d’ici là des « assurances » de l’Union européenne, en particulier sur la question de l’Irlande. Si ces assurances lui étaient donnée et surtout si celles-ci étaient suffisantes pour modifier l’opinion des députés britanniques, Theresa May aurait gagné la partie et le divorce pourrait se passer dans de bonnes conditions à la date fatidique du 29 mars 2019. Malheureusement ce n’est pas le scénario le plus probable.
En cas de rejet de l’accord, quels sont les scénarios possibles ? Sur le plan intérieur, il est probable que Theresa May sera conduite à quitter le pouvoir, soit qu’elle remette d’elle-même sa démission après le désaveu de la Chambre des communes, soit qu’elle y soit contrainte par le vote d’une motion de défiance, déposée, cette fois, par les travaillistes. Dans cette hypothèse, elle céderait sa place à un représentant de l’aile dure de son parti, comme son ancien ministre des affaires étrangères, Boris Johnson, connu pour son intransigeance à l’égard de Bruxelles, dont on voit mal comment il pourrait mener à bien une nouvelle négociation sur le Brexit.
Plutôt que de renoncer à son poste de première ministre, Theresa May pourrait aussi choisir d’en appeler au peuple, en convoquant de nouvelles élections législatives. Un ultime pari qui semble difficile à gagner pour les conservateurs, profondément divisés entre europhiles et europhobes. En revanche, les travaillistes pourraient y trouver leur compte. Jeremy Corbyn, leur chef, se dit capable de renégocier, en cas de victoire, un meilleur accord avec l’Union européenne. « Si nous sommes chargés de le négocier, voici les paramètres que je mettrai par écrit dans la négociation, a-t-il déclaré dans un récent entretien au site The Global Conversation : je veux une relation de travail étroite avec l’Union européenne, je veux m’assurer que nous formions une union douanière avec elle et que nous ayons notre mot à dire sur ce qui se passe ».
Si un nouvel accord se révèle impossible, il reste deux hypothèses : soit une sortie sans accord, le « no deal » que redoutent beaucoup d’économistes qui s’inquiètent des effets catastrophiques d’une rupture brutale entre le Royaume-Uni et l’UE ; soit un deuxième référendum sur l’appartenance à l’Union, une idée qui revient depuis quelques semaines dans le débat et que certains considèrent comme la seule solution possible pour sortir du chaos. « Un référendum paraît de jour en jour plus plausible, écrit la chroniqueuse Polly Toynbee, dans The Guardian. Ce serait la seule manière d’échapper à l’accident de voiture ». Très critique à l’égard de Theresa May, elle estime que ses erreurs auront au moins pour résultat de sauver les Britanniques du Brexit.
Rien ne dit que les électeurs voteraient en majorité pour le maintien dans l’Union européenne. Mais s’ils choisissaient de dire non au Brexit et oui à l’Europe, ce serait pour l’UE un dénouement inespéré. Le départ éventuel du Royaume-Uni apparaît en effet à beaucoup d’Européens comme un facteur de faiblesse dans un monde où la voix du Vieux Continent semble de moins en moins audible. Si les Britanniques renoncer à se séparer de leurs partenaires européens, ceux-ci auraient toutes les raisons de s’en réjouir.