Iran/nucléaire : comment décrypter Genève ?

Les Occidentaux sont perplexes. Ils ne savent comment interpréter le résultat des pourparlers de Genève, le 1er octobre, entre le groupe des Six, dit P5 +1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies plus l’Allemagne) et les représentants du régime iranien.

A première vue, il s’agit d’une avancée sur le dossier du nucléaire. Les Iraniens ont accepté de transférer à l’étranger – on parle de la Russie et de la France – de l’uranium enrichi afin qu’il soit transformé en combustible. On ignore en quelle quantité mais si ce geste se confirmait, il signifierait que le régime des mollahs renonce à une partie de la matière fissile qui lui permettrait de construire une arme nucléaire. Le conditionnel est cependant de rigueur car un des participants iranien à la réunion de Genève, l’ambassadeur à Londres, a déclaré n’avoir pas entendu parler du sujet pendant les discussions. Il est possible de que ce soit le signe de désaccords au sein de la direction iranienne, en attendant peut-être la décision du guide suprême, l’ayatollah Khamenei.

C’était le premier contact depuis plusieurs mois entre les négociateurs internationaux et le régime de Téhéran, alors que les Occidentaux évoquaient de plus en plus ouvertement l’hypothèse de nouvelles sanctions. En effet, l’Iran n’a répondu ni à la condition posée depuis longtemps par les Européens — et les Américains du temps de George W. Bush —, à savoir la suspension de l’enrichissement de l’uranium, ni à la main tendue par Barack Obama depuis la campagne électorale puis sont élection à la présidence des Etats-Unis. Au contraire, les Iraniens se sont livrés ces dernières semaines à quelques provocations dont ils ont le secret, lancement de fusées à moyenne portée, annonce d’une nouvelle usine d’enrichissement près de la ville sainte de Qom, etc. Dans la meilleure des hypothèses c’était une démonstration de force en vue de la réunion de Genève, au pire, le signe d’un refus total de négocier sérieusement.

A Genève, le secrétaire d’Etat adjoint William Burns a assisté aux pourparlers. C’était la première fois qu’un haut représentant américain siégeait face aux représentants de Téhéran depuis des années, si l’on met à part des conversations à un niveau moins élevé sur des sujets limités, comme l’Irak. De plus, William Burns et le ministre iranien des affaires étrangères Manouchehr Mottaki, ont eu, de trois quarts d’heure en marge de la réunion de Genève, qui a été jugé « constructif » par les deux parties.

D’où la question : les Iraniens sont-ils sérieux dans leur désir de négocier ? Ou ont-ils simplement fait un pas en arrière pour éviter un durcissement des sanctions, pour lesquelles d’ailleurs ni les Russes ni les Chinois ne sont très chauds, et pour gagner du temps ? Ce temps est mis à profit pour avancer dans le programme nucléaire militaire, comme vient de le constater une enquête de l’Agence internationale de l’énergie (AIEA).

Barack Obama a misé sur la négociation avec l’Iran, même si dans la rhétorique classique, il « n’exclut aucune option ». Autrement dit, l’option militaire est toujours sur la table, même si elle parait de moins en moins probable. Il s’est déclaré satisfait des « déclarations constructives » des Iraniens à Genève mais il en attend maintenant des « actions constructives ».

Une nouvelle réunion doit avoir lieu avant la fin du mois. D’ici là, on saura peut-être si les Iraniens jouent un de leur jeu favori ou s’ils envisagent d’entrer dans un processus de négociation. Selon les spécialistes, l’attitude plus constructive du président Ahmadinejad et des mollahs au pouvoir, si elle se confirme, s’expliquerait par la situation dans laquelle ils se trouvent depuis les élections présidentielles contestées de juin. Ils doivent lutter sur trois fronts : contre l’opposition en Iran, contre les contestataires au sein même du régime et contre la communauté internationale. Cela fait beaucoup à la fois. Ils auraient donc décidé de soulager le front extérieur.

Si négociation il y a, leur revendication principale est une discussion directe au plus haut niveau avec les Etats-Unis, c’est-à-dire entre les deux présidents, sur l’ensemble du contentieux entre les deux pays. Avant de s’engager dans cette voie, Barack Obama voudra certainement s’assurer que les nouvelles dispositions de Téhéran ne sont pas qu’un rideau de fumée.