Longtemps attendu, le plan de paix américain pour la Palestine vient enfin d’être dévoilé par Donald Trump. Le moins qu’on puisse en dire est qu’il est particulièrement déséquilibré au bénéfice d’Israël. Les Israéliens obtiennent en effet tout ce qu’ils souhaitaient, à commencer par l’annexion des colonies installées en Cisjordanie occupée, au mépris du droit international. En échange, les Palestiniens bénéficieront d’un Etat, oui, mais quel Etat !
Un Etat sans souveraineté réelle, un Etat morcelé aux contours improbables, sans véritable continuité territoriale, un archipel d’îlots sous contrôle israélien sur 70% de la Cisjordanie. En apparence, le plan répond à la demande d’une « solution à deux Etats » - un Etat palestinien à côté d’un Etat israélien - formulée par la communauté internationale. En réalité, il n’en est que la caricature. S’il est appliqué, il risque bien d’enterrer définitivement cette idée, déjà fort mal en point depuis l’échec des précédents plans de paix.
Ce que propose Donald Trump n’est pas autre chose que la soumission des Palestiniens, certes achetée à grands frais (avec la promesse d’une manne de 50 milliards de dollars destinés à réduire la pauvreté et le chômage) mais imposée par la force. Une partie de la presse internationale s’en émeut. Le Monde condamne « un comportement digne d’un Etat voyou, illustré dans un autre registre, en 2014, par l’annexion de la Crimée par la Russie » et dénonce la « consécration du fait accompli ».
Une capitulation des Palestiniens
Selon le quotidien suisse Le Temps, « ce plan est un scandale, une farce et une insulte à la raison ». « Une humiliation pour tous les Arabes », ajoute le quotidien autrichien Kurier. Aux Etats-Unis, le Washington Post estime que le projet américain pose davantage « les termes d’une capitulation des Palestiniens que ceux d’un accord possible ». En Israël même, le quotidien Haaretz le juge « absurde, dangereux et biaisé » et le considère comme « le plus pro-israélien jamais proposé et, contrairement à ce que prétend M. Trump, le pire offert aux Palestiniens ».
Pour le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, c’est une victoire éclatante. Ce n’est pas la première fois que Donald Trump satisfait ses revendications. C’est à sa demande que Washington a transféré son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem puis reconnu la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan avant d’affirmer la légalité des implantations israéliennes en Cisjordanie. En validant par avance le projet d’annexion, le président américain franchit un pas supplémentaire dans une stratégie qui fait fi à la fois des règles internationales et des droits des Palestiniens.
D’un coup de force à l’autre, Donald Trump fait ainsi progresser ses idées sur le règlement du conflit israélo-palestinien, à l’unisson de celles de Benyamin Nétanyahou. Les deux hommes partagent la même vision de l’avenir de la Palestine. Ils s’appuient sur un électorat acquis à leur cause. Aux Etats-Unis Donald Trump peut compter sur le soutien des évangéliques, qui sont les meilleurs alliés d’Israël. En Israël Benyamin Nétanyahou bénéficie des faveurs des partis nationalistes, qui n’acceptent pas la création d’un Etat palestinien.
Des enjeux électoraux
A quelques semaines d’élections législatives qui s’annoncent difficiles pour le premier ministre israélien, à quelques mois d’un scrutin présidentiel que prépare un Donald Trump candidat à sa réélection, une fois écartée l’hypothèque de sa destitution, les enjeux électoraux ne sont sans doute pas étrangers à l’attitude des deux alliés ni à la date choisie pour révéler leur plan commun. Mais au-delà de ces considérations personnelles, ce qui prévaut est la volonté du président américain, en accord avec son ami Nétanyahou, de remodeler le paysage du Proche-Orient tout entier pour faire face notamment aux menaces iraniennes.
Les Palestiniens sont unanimes à rejeter le projet de Donald Trump. Certains, y compris dans le monde arabe, les invitent à renoncer à leur intransigeance.
Les Emirats arabes unis saluent ainsi « une initiative sérieuse, un important point de départ pour un retour à la table des négociations », une offre que les Palestiniens devraient saisir plutôt que de s’obstiner dans le refus. L’Egypte, qui fut jadis un des acteurs majeurs du processus de paix, les appelle à examiner « de manière attentive et minutieuse » les propositions américaines et à « ouvrir les canaux du dialogue, sous les auspices des Etats-Unis, pour la reprise des négociations ».En Arabie saoudite, des voix s’élèvent pour critiquer la « stratégie du tout ou rien » de l’Autorité palestinienne.
Il est vrai qu’en écartant sans autre forme de procès le plan de Donald Trump les Palestiniens s’exposent au reproche d’être toujours ceux qui refusent. « Le plan américain pourrait être la dernière chance pour la solution à deux Etats », estime le quotidien israélien Yedioth Aharonot. Le problème pour les Palestiniens est qu’ils n’ont pas de réelle alternative. Ils n’ont le choix qu’entre deux mauvaises solutions : se murer dans leur opposition au risque de relancer la violence comme seule réponse au déni de justice dont ils sont les victimes ou s’engager dans une discussion qui les contraindra à abandonner leurs revendications les plus chères, dont celle d’un Etat digne de ce nom ayant Jérusalem pour capitale.