L’attitude de la chancelière Angela Merkel lors de la crise grecque continue de susciter des interrogations et des critiques. Dans son propre parti, c’est sa répugnance à prendre des décisions qui est mise en cause par certains tandis que d’autres lui reprochent d’avoir effectué des virages à 180° sur des questions telles que la baisse des impôts, la taxation des transactions financières ou l’aide aux pays européens en difficulté. Joshka Fischer, pour sa part, développe l’argumentaire suivant :
« Angela Merkel avait rendez-vous avec l’Histoire. Contrairement à Helmut Kohl après le 9 novembre 1989 [la chute du mur de Berlin] ou à Gerhard Schröder après le 11 septembre 2001, elle a plutôt raté son coup. La chancelière a encore une dernière chance. Lors de la remise du prix Charlemagne au premier ministre polonais Donald Tusk, elle a déclaré : "Si l’euro échoue, c’est le projet européen qui échoue". C’est vrai. Maintenant elle doit agir en conséquence. Les belles paroles ne suffisent plus.
Il ne s’agit pas seulement du sort d’une monnaie. Il s’agit du projet européen en tant que tel. Il s’agit de savoir si l’Europe est assez forte et si elle a une volonté commune de défendre ce projet contre des attaques extérieures, en l’occurrence celles des spéculateurs. Ce qui est essentiel c’est l’entente et la détermination. Malheureusement notre pays a réagi de manière totalement contraire quand a éclaté la crise grecque.
Depuis le début, il ne s’agissait pas seulement de la Grèce. Les marchés ont confronté l’Europe avec la dure réalité. Toutes nos belles illusions – les miennes y compris —, ont été balayées. Véritable intégration ou dissolution, telle est aujourd’hui l’alternative.
(...) Nos illusions ? On a pensé qu’il ne fallait plus parler des "Etats-Unis d’Europe". On disait que l’euro pouvait fonctionner sur la seule base des critères de Maastricht, sans plus d’intégration politique. Les marchés nous ont démontré que cela ne pouvait pas marcher comme ça. C’est pourquoi nous devons maintenant faire un pas courageux en avant.
L’Union européenne est depuis l’origine une communauté fondée sur des transferts financiers. Le Marché commun et la politique agricole commune étaient et sont d’abord des garanties de transfert pour l’Allemagne et pour la France ! Et l’Allemagne en a profité plus que d’autres. Sans l’euro, beaucoup de pays auraient dévalué leur monnaie. Nous en aurions payé le prix en tant que pays exportateur qui dépend essentiellement de l’Europe, parce que nos produits auraient été plus chers. Maintenant nous devons compenser cela. On ne peut y échapper.
La solidarité est une voie à deux sens. Cela veut dire qu’à l’avenir un pays ne peut pas mettre ses salariés à la retraite à 67 ans et un autre à 55. Cela ne peut pas non plus marcher si des pays s’endettent sans limite tandis que d’autres font des économies. Il y a toute une série de pays qui doivent devenir compétitifs. Sans cela l’euro ne peut pas fonctionner, nous le savons.