Deux raisons incitent à penser que la dimension européenne sera en 2009 au premier plan des affrontements entre les grands partis pour la conquête de la majorité au Parlement européen. La première est évidente. Alors que la crise économique s’approfondit et touche, l’un après l’autre, tous les Etats membres, chacun sent bien que les questions posées aux responsables politiques sont les mêmes d’un pays à l’autre, quelles que soient leurs différences de développement et la diversité de leurs systèmes. Chacun comprend également que les réponses aux difficultés nées du ralentissement, voire de l’arrêt, de la croissance ne peuvent être, à quelques variantes près, que similaires ou, à tout le moins, étroitement coordonnées à l’échelle de l’UE.
Il est donc probable que les controverses porteront sur la façon dont l’Europe tout entière est capable de se mobiliser face aux menaces de récession et de proposer, par delà les initiatives nationales, des solutions communes. Dans cette perspective, ce sont bien les politiques européennes qui devraient se trouver au cœur des débats, tant l’interdépendance entre les Vingt-Sept est rendue visible par la crise.
La deuxième raison pour laquelle la campagne est appelée à s’européaniser est liée à l’évolution des grands partis. Peu à peu, en effet, ceux-ci tentent de s’organiser dans le cadre européen. Certes il n’y a pas encore de partis européens dignes de ce nom. Le Parti populaire européen, à droite, et le Parti socialiste européen, à gauche, pour ne citer que les deux principaux, ne sont, pour l’essentiel, que des confédérations de partis nationaux. Mais l’un et l’autre s’efforcent de resserrer les liens entre leurs membres. Ainsi se sont-ils donné, en vue des élections de juin, des programmes européens.
Pour aller plus loin vers la constitution de vrais partis européens ; il leur faudrait se doter aussi de chefs de file transnationaux. Jacques Delors est l’un des premiers à avoir suggéré, il y a dix ans, que les grandes formations politiques présentent, à l’occasion de la campagne des élections européennes, leurs candidats à la présidence de la Commission – même si le choix du président appartient en fait aux chefs d’Etat et de gouvernement. C’est ce pas décisif qui devrait être franchi en 2009. En effet, la droite et la gauche soutiennent chacune, officiellement, un candidat.
Barroso contre Rasmussen
A droite, José Manuel Barroso a reçu le soutien des partis conservateurs pour le renouvellement de son mandat. L’ancien premier ministre portugais, qui a succédé en 2004 à Romano Prodi à la tête de l’exécutif européen, souhaite être reconduit pour cinq années supplémentaires. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont fait savoir qu’ils étaient favorables à cette solution. Le Parti populaire européen s’est rallié à cette candidature. Sans doute d’autres noms circulent-ils, comme celui du chef du gouvernement néerlandais, Jan Peter Balkenende, mais le président sortant de la Commission bénéficie des appuis les plus solides. On ne sait pas encore dans quelle mesure il s’impliquera dans la campagne mais la logique voudrait qu’il apparaisse aux électeurs comme le chef de file de la droite.
A gauche, ce rôle va revenir au président du Parti socialiste européen, l’ancien premier ministre danois Poul Nyrup Rasmussen, qui est soutenu par l’ensemble des sociaux-démocrates européens. Sa candidature à la présidence de la Commission n’a aucune chance d’aboutir, en raison du rapport de force politique en Europe, mais elle marque la volonté des socialistes de politiser clairement, face aux opinions publiques, le débat européen.
Cette politisation, structurée selon l’axe droite-gauche familier à la plupart des électeurs européens, est conforme au traité de Lisbonne, aux termes duquel la désignation du président de la Commission doit tenir compte du résultat des élections au Parlement européen. Elle apparaît aussi comme l’un des moyens les plus efficaces pour secouer l’indifférence d’une large partie des citoyens européens à l’égard d’un scrutin dont ils comprennent mal les enjeux.