Kosovo : un an d’indépendance

Double anniversaire pour le Kosovo. Il y a dix ans, le 24 mars 1999, les forces aériennes de l’OTAN commençaient le bombardement de la Serbie pour tenter de mettre un terme au conflit entre Belgrade et sa province rebelle. Les raids allaient durer 78 jours et contraindre Slobodan Milosevic à retirer ses troupes. Il y a un an, le 17 février 2008, le Kosovo proclamait son indépendance après l’échec des négociations engagées entre les deux parties sous l’égide du médiateur de l’ONU, Martti Ahtisaari. Une indépendance sous surveillance appelée à donner naissance, le moment venu, à un Etat pluriethnique, membre à part entière de la communauté internationale.

Les guerres des Balkans ont mis à mal la crédibilité de l’Union européenne, qui n’a su ni prévenir les affrontements ni y mettre fin. Il a fallu l’intervention américaine pour que cessent les hostilités dans la région. La paix revenue, l’Europe s’efforce aujourd’hui de prendre le relais en offrant aux Etats de l’ex-Yougoslavie la perspective d’une adhésion à l’UE. C’est, pense-t-elle, le seul moyen de maintenir la stabilité dans les Balkans, de favoriser la mise en place d’institutions démocratiques et de permettre le développement économique des anciennes républiques yougoslaves.

La Slovénie est entrée dans l’Union en 2004, la Croatie devrait conclure prochainement ses négociations d’adhésion, la Macédoine, la Bosnie, le Monténégro, la Serbie progressent dans la même voie. Reste le cas du Kosovo, qui est loin d’être réglé et qui demeure comme l’un des points de fixation de la douloureuse transition vers le postcommunisme en Europe centrale et orientale. Alliée traditionnelle de la Serbie, la Russie de Vladimir Poutine, qui aspire à retrouver son statut de grande puissance, se sert du conflit pour affirmer sa force en continuant de s’opposer à l’indépendance du Kosovo et en justifiant par cet exemple la sécession des provinces géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.

Même si les violences interethniques redoutées entre Serbes et Albanais n’ont pas eu lieu, à l’exception des incidents meurtriers de 2004, la situation demeure fragile, voire explosive. A ce jour, 55 pays ont reconnu l’indépendance du Kosovo, dont 22 des 27 Etats de l’UE. C’est nettement moins que ne l’espéraient les dirigeants du nouvel Etat. Sur place, la mission européenne Eulex veille à l’application de la loi dans les domaines de la justice, de la police et des douanes, tandis qu’une force de l’OTAN, avec quelque 15.000 hommes, assure la sécurité. Une mission de l’ONU est également présente. Un représentant de l’Union européenne et de la communauté internationale, le Néerlandais Peter Feith, surveille la mise en place du pouvoir kosovar. 

La minorité serbe, à Mitrovica au nord et dans les enclaves du sud, n’accepte pas les nouvelles autorités. Le divorce entre Serbes et Albanais demeure entier. Le président kosovar, Fatmir Sejdiu, parle d’une « mentalité de haine ». La Cour internationale de justice de La Haye devrait statuer dans quelques mois sur une requête de Belgrade contre la proclamation d’indépendance. Bref le Kosovo, placé sous tutelle internationale, est loin de vivre la vie normale d’un pays indépendant.

Le président serbe, Boris Tadic, affirme que Belgrade n’entend pas rétablir ses droits par la force mais les faire reconnaître par des moyens pacifiques et légaux. C’est un signe rassurant. A Belgrade les nationalistes ont perdu le pouvoir. Mais ils constituent toujours une force importante. Il ne faudrait pas que s’accumulent au Kosovo des colères sourdes et des ressentiments mal contrôlés. Au moment où les tensions s’accroissent entre l’UE et la Russie sur l’avenir des anciens pays de l’empire soviétique, de l’Ukraine à la Géorgie, les Balkans ne doivent pas redevenir une zone de turbulences. Le rôle de l’UE, en ces temps de crise, est d’empêcher le retour des nationalismes, en particulier là où ils ont laissé d’amers souvenirs.