Angela Merkel devait assister à un, voire à plusieurs meetings électoraux de Nicolas Sarkozy. Ce n’était pas une rumeur. L’annonce en avait été faite par le secrétaire général de la CDU, le Parti chrétien-démocrate à un meeting de l’UMP. C’était le temps où le président-candidat ne pouvait prononcer un discours sans citer l’exemple de l’Allemagne. Du côté de François Hollande, la tendance était inverse. Si le candidat socialiste lui-même s’était gardé de toute parole imprudente et avait réagi par l’humour au refus de la chancelière allemande de le recevoir, ses lieutenants ne se privaient pas de comparer la RFA à l’Allemagne de Bismarck.
En quelques semaines, la situation a été chamboulée. Nicolas Sarkozy ne parle plus de l’Allemagne et Angela Merkel a été priée de rester chez elle. Selon le magazine Der Spiegel, elle en nourrit quelque amertume. Non qu’elle rêvât d’apparaitre sur les estrades électorales françaises mais elle retrouve dans l’attitude du président sortant la désinvolture qui l’avait choquée au début du quinquennat. Voilà pour la forme. Le fond n’est pas plus satisfaisant. Loin de vanter le modèle allemand, Nicolas Sarkozy s’attaque à deux ou trois réalisations européennes – Schengen et la libéralisation commerciale – auxquelles les Allemands sont particulièrement attachés.
François Hollande, au contraire, multiplie les gestes à l’égard de nos voisins de l’Est. Il sait bien qu’il aura affaire, s’il est élu, à Angela Merkel. Au moins pendant un an et demi, jusqu’aux élections législatives allemandes de septembre 2013. Mais surtout, il souligne sa bonne entente avec ses « camarades » d’outre-Rhin, y compris sur la renégociation éventuelle du pacte fiscal européen. Pas moins de deux dirigeants du SPD, le Parti social-démocrate allemand, étaient présents, le samedi 17 mars, à la manifestation européenne du PS : Sigmar Gabriel, le chef du Parti, et Martin Schulz, le président du Parlement européen. Le tout accompagné d’un grand entretien dans Der Spiegel pour manifester tout l’intérêt du candidat socialiste pour la coopération franco-allemande.
Car telle est bien la question : cette instrumentalisation des relations franco-allemandes, qui certes n’est pas entièrement nouvelle, aura-t-elle des conséquences négatives sur les relations entre les deux pays une fois retombée l’écume de la campagne électorale ?
Les diplomates sont confiants. La coopération entre les deux pays, disent-ils, est dans l’intérêt de l’Allemagne comme dans l’intérêt de la France. Certains ajoutent même : et dans l’intérêt de l’Europe. Ils remarquent, à juste titre, qu’à chaque relève politique d’un côté du Rhin comme de l’autre, les nouveaux responsables ont été tentés de regarder vers la Méditerranée ou vers la Grande-Bretagne à la recherche d’un partenaire de rechange. A chaque fois, ils sont revenus nolens volens vers le franco-allemand.
Même si le rapport de forces entre la France et l’Allemagne est en train de changer aux dépens de la première, il n’y a pas de raison pour qu’il en soit autrement, cette fois-ci encore. C’est vrai. Mais est-il vraiment utile de troubler l’atmosphère par des attitudes ou des déclarations opportunistes ? Elles ne servent à rien sauf à braquer le partenaire alors que, quelque soit le vainqueur du 6 mai, il aura à trouver immédiatement un terrain d’entente avec l’Allemagne sur la crise de l’Europe qui perdure.