L’Europe conteste la « légitimité » du régime Kadhafi

Les Vingt-Sept apportent leur soutien à l’opposition libyenne mais excluent dans l’immédiat de leur venir en aide par des frappes aériennes. Ils demandent au colonel Kadhafi de quitter le pouvoir. 

Les Européens n’envisagent pas, pour le moment, de venir militairement en aide aux insurgés libyens, même s’ils condamnent avec force l’action du colonel Kadhafi et appellent à son départ du pouvoir. Réunis à Bruxelles vendredi 11 mars, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne ont choisi de s’en tenir aux sanctions déjà annoncées – embargo sur les armes, gel des avoirs, refus de visas – et de laisser ouvertes les autres réponses possibles.

La prudence des Vingt-Sept s’explique par leur réticence à s’engager dans l’engrenage d’une guerre qui pourrait devenir incontrôlable. Elle les conduit à adopter une attitude nettement en retrait par rapport à celle de Nicolas Sarkozy, qui avait appelé à une action plus énergique avant même d’en discuter avec ses partenaires, notamment avec l’Allemagne, dont les réserves étaient connues. Une fois de plus, le président français, par sa précipitation, à mis à mal l’unité européenne face à la tragédie libyenne.

En reconnaissant officiellement l’opposition comme la seule autorité légitime et en annonçant un échange d’ambassadeurs entre la France et le nouveau régime, Nicolas Sarkozy a pris de vitesse ses partenaires européens, qui ne s’étaient pas encore réunis pour ajuster leurs positions. Ensuite, en se prononçant pour des frappes aériennes en Libye, avec le seul concours de la Grande-Bretagne, il s’est exposé au désaveu de ceux qui ne souhaitaient pas se lancer dans une telle aventure.

En définitive, les dirigeants européens se sont montrés plus circonspects que le président français et le premier ministre britannique. Ils n’en ont pas moins adressé au colonel Kadhafi un sérieux avertissement, en affirmant que celui-ci « doit quitter immédiatement le pouvoir », en déclarant que son régime « a perdu toute légitimité » et que le Conseil national de transition est « un interlocuteur politique » pour l’Union européenne, en annonçant enfin qu’ils étudieront « toutes les options nécessaires » pour protéger les populations civiles.

Une éventuelle intervention est soumise, soulignent-ils, à trois conditions : que la nécessité en soit démontrée, qu’il existe une base juridique claire et que le soutien de la région soit acquis. Ces trois conditions figuraient explicitement dans le document franco-britannique. Elles impliquent notamment le soutien du Conseil de sécurité de l’ONU à toute opération militaire – un soutien que le refus de la Chine et de la Russie rend aujourd’hui improbable – ainsi que la collaboration de l’Union africaine et de la Ligue arabe.

A défaut d’une assistance militaire immédiate, les Vingt-Sept ont promis de renforcer leur assistance économique à l’ensemble de la région en mettant en place un nouveau partenariat et en redéfinissant les missions de l’Union pour la Méditerranée. « L’heure de l’Union européenne a sonné en Méditerranée », estime, dans une tribune à La Libre Belgique, le directeur de la Fondation Madariaga, Pierre Defraigne. Pour cet ancien haut fonctionnaire de la Commission européenne, l’Union européenne doit « se hisser à la hauteur du statut de grande puissance voisine ». Elle doit « mobiliser toutes ses forces pour prévenir le chaos, protéger les populations, faire progresser les libertés et surtout soutenir le développement et, par là, la stabilité de la région, vitale pour les approvisionnements pétroliers ».