L’Europe dans la bataille du climat

A l’initiative de sa nouvelle présidente, l’ancienne ministre allemande Ursula von der Leyen, la Commission européenne a décidé de faire de la lutte contre le changement climatique la grande cause de son mandat. Cette volonté est au cœur du « pacte vert » qu’elle propose aux Européens. Si celui-ci est appliqué, l’économie de l’Union européenne deviendra la première économie neutre en gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

Face aux catastrophes dont est porteur, sur l’ensemble de la planète, le réchauffement climatique, l’Europe se donne donc trente ans pour inverser la tendance en se portant à la pointe de la bataille pour le « verdissement » de tous les secteurs de l’économie. Ursula von der Leyen engage sa crédibilité et celle de la Commission qu’elle préside dans ce combat courageux. L’une et l’autre seront jugées, le moment venu, sur leur capacité à convaincre tous les acteurs concernés qu’il est urgent de passer enfin des paroles aux actes.

Le plan présenté par l’exécutif européen est ambitieux. Il suppose des financements considérables. Les investissements débloqués, directement ou indirectement, par l’Union européenne sont évalués à 1.000 milliards d’euros sur dix ans, dont la moitié seront issus du budget européen, à travers les deux grandes masses que constituent les fonds structurels et la politique agricole commune. C’est dire que la lutte contre le changement climatique sera un critère-clé dans l’attribution des subventions européennes.

Un autre dispositif important est la création d’un fonds pour la transition juste qui aidera les régions les plus polluantes en gaz à effet de serre à basculer vers une économie décarbonée. « Pour avoir l’assurance de ne laisser personne de côté, nous soutiendrons ceux qui, parmi nos populations et nos régions, doivent faire des efforts plus importants dans le cadre de cette transformation », a expliqué la présidente de la Commission.

Le pacte vert, ou « green deal », est dans la continuité des politiques européennes conduites par les deux prédécesseurs d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission, José Manuel Barroso et Jean-Claude Juncker, mais elle les amplifie en leur assignant des buts plus ambitieux. Ainsi le fameux objectif fixé en 2008 pour l’horizon 2020 et baptisé « 3 fois 20 » - réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre, porter à 20% la part des énergies renouvelables, augmenter de 20% l’efficacité énergétique – est-il une nouvelle fois revu à la hausse pour les horizons 2030 puis 2050.

Alors que s’accroît la prise de conscience des effets nocifs des gaz à effet de serre et que, face à l’inertie des gouvernements, gronde la contestation populaire, l’UE monte en puissance. En plaçant aujourd’hui la bataille du climat en tête de ses priorités, la Commission répond aux attentes des opinions publiques, toujours méfiantes à l’égard de l’Europe.

Il serait dommage que ses promesses ne soient pas tenues. Déjà des controverses s’élèvent sur le montant des investissements espérés. « Ce plan est un premier pas, il ne saurait suffire en l’état », affirment les socialistes au Parlement européen. Plusieurs pays d’Europe centrale, la Pologne en particulier, sont hésitants. C’est à eux surtout qu’est destiné le Fonds pour la transition juste, qui traduit de la part de l’UE, selon Frans Timmermans, vice-président de la Commission chargé du pacte vert, « un engagement de solidarité et d’équité ».

Les propositions de la Commission doivent encore être approuvées par les Etats membres, qui sont, avec le Parlement européen, les principaux décideurs. Le débat sera rude. « Au bout du compte, comme l’écrit l’économiste Jean Pisani-Ferry dans une étude pour le think tank Terra Nova, le succès dépendra largement de la capacité du verdissement de l’économie à créer des emplois et à favoriser la prospérité ». Selon lui, « la Commission a raison de souligner que décarbonisation et croissance doivent aller de pair ». Sur ce terrain aussi se joue la relance, tant attendue, de l’Europe.