Face aux attaques portées par Donald Trump, pendant sa campagne présidentielle, contre l’OTAN, l’Union européenne ou l’Allemagne, la première réaction des dirigeants européens avait été de ne pas céder aux intimidations et d’en appeler à l’unité de l’Europe. Dans la bataille diplomatique engagée par le président américain, il était important à leurs yeux d’éviter d’agir en ordre dispersé sous peine d’affaiblir l’Europe et de permettre à Washington de jouer les Etats les uns contre les autres. « La meilleure réponse, c’est l’unité des Européens », avait affirmé Jean-Marc Ayrault, alors ministre français des affaires étrangères.
Son homologue allemand, Sigmar Gabriel, avait invité l’Europe à ne pas se laisser impressionner par les déclarations de Donald Trump et à faire preuve d’ « assurance ». Pour beaucoup, l’attitude des Européens à l’égard du président américain apparaissait comme un test de leur crédibilité. Le diplomate autrichien Stefan Lehne, collaborateur du think tank Carnegie Europe après avoir occupé d’importantes fonctions au Conseil de l’Union européenne, résumait ainsi l’enjeu de la controverse dans un entretien à L’Obs : « Nous sommes à un moment décisif. Soit l’Europe fait bloc soit elle se désintègre ».
L’alternative a été tranchée par les Européens. Au sommet de l’OTAN à Bruxelles puis à celui du G7 à Taormine, en Italie, ils ont choisi de faire bloc face à Donald Trump. L’Europe ne s’est pas désintégrée. Au contraire, elle a affirmé sa volonté commune, en dépit de ses divergences avec Washington sur plusieurs des sujets en discussion. Une sorte de complicité s’est même établie entre les dirigeants du Vieux Continent, qui ont accueilli chaleureusement Emmanuel Macron, nouveau venu dans leur cénacle, et considéré parfois le président américain, selon l’expression du New York Times, comme un « perturbateur ».
Tout avait commencé par la rencontre entre Donald Trump et les dirigeants des institutions européennes, Jean-Claude Juncker, président de la Commission, et Donald Tusk, président du Conseil. Les échanges ont été « crispés », selon Le Monde.
Le président américain s’en est pris une fois de plus aux Allemands, qu’il a déclarés « mauvais », ce qui n’était pas la meilleure manière d’apaiser les inquiétudes de ses interlocuteurs. Même si Jean-Claude Juncker a expliqué, après la rencontre, que cette formule résultait d’une erreur de traduction, l’atmosphère était plutôt fraîche entre l’hôte de la Maison Blanche et les deux porte-parole de l’Union européenne.
Le président de la Commission devait ensuite rappeler que les Européens sont favorables à la recherche de « solutions multilatérales » et veulent « bâtir des ponts, et non des murs », ce qui n’était pas fait pour plaire au président américain.
Deuxième étape, le sommet de l’OTAN, cette organisation que le président américain avait jugée « obsolète ». Loin de choisir l’apaisement, Donald Trump a reproché brutalement aux Européens le faible niveau de leurs dépenses militaires. Les Européens ont encaissé, sans trop s’émouvoir. Le Monde a parlé d’un « réquisitoire déplacé, maladroit et contre-productif ».
Ce n’était pas la meilleure manière d’améliorer le climat. Les réprimandes du président américain ont plutôt contribué à resserrer les rangs de ses interlocuteurs. Celui-ci est apparu, selon le New York Times, comme « le vilain Américain qui piétine les amis de l’Amérique et saccage l’Alliance transatlantique ». La façon dont il a bousculé le premier ministre du Monténégro pour prendre sa place sur la photo de famille est un bon symbole, à en croire le quotidien américain, de son attitude à l’égard des Européens.
C’est la troisième étape, celle du G7, dominée par la question climatique, qui a illustré de la manière la plus spectaculaire l’isolement de Donald Trump face à ses partenaires, notamment européens. « Donald Trump seul contre tous », a titré Le Monde. Angela Merkel a parlé d’une situation « à six contre un », ce qui signifiait que les quatre Européens – la chancelière allemande, Emmanuel Macron, l’Italien Paolo Gentiloni, la Britannique Theresa May – s’associaient à leurs homologues japonais et canadien pour contrer le président des Etats-Unis. Le communiqué officiel affirme clairement que Washington n’est pas en mesure de « rejoindre le consensus » sur l’accord de Paris, que les Six s’engagent à mettre rapidement en œuvre.
Le constat de désaccord est net. D’autres divergences sont apparues sur la question du protectionnisme. Face à Donald Trump, les Européens sont restés sur leur position. Même le Royaume-Uni, qui s’apprête à quitter l’Union européenne sous les applaudissements de Donald Trump, s’est opposé au président américain. « On ne fera rien pour donner l’impression que six pays font bloc contre un septième », disait-on du côté italien avant la mise au point de la déclaration finale. C’est raté. L’Europe a tenu bon. Elle a affiché son unité et sa solidarité. On ne peut que s’en réjouir.