L’Europe selon Herman van Rompuy

Récemment invité à Paris par la Fondation Notre Europe, le président du Conseil européen appelle au « respect » entre les institutions européennes et les Etats membres. Il invite l’Europe à devenir un « acteur mondial ».

Entré en fonctions il y a neuf mois, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, n’a guère fait parler de lui depuis sa nomination. Premier titulaire du nouveau poste de président permanent, il est censé porter la parole de l’Union européenne, en même temps que le président de la Commission, José Manuel Barroso, mais pour le moment c’est celui-ci qui occupe le devant de la scène bruxelloise et qui incarne, pour l’opinion publique, en bien ou en mal, face aux chefs d’Etat et de gouvernement, l’institution européenne. Il est vrai qu’il est en place depuis 2004 et qu’il a donc eu le temps de se faire connaître.

Dans la polémique qui a opposé Paris à Berlin sur l’expulsion des roms, M. Barroso s’est trouvé en première ligne pour défendre les propos de sa vice-présidente, la commissaire Viviane Reding. M. Van Rompuy, qui n’entend pas rester silencieux, s’est à son tour exprimé sur le sujet, à Bruxelles d’abord, à Paris ensuite, où il était l’invité, lundi 20 septembre, de l’association Notre Europe, en présence de son fondateur, Jacques Delors. 

La non-discrimination, une valeur fondamentale

Quelles conclusions a-t-il tirées de cet incident ? D’abord qu’ « un Etat national a le droit de prendre les mesures qu’il considère utiles pour assurer l’ordre et l’Etat de droit ». Ensuite que « la Commission a le devoir, comme gardienne des traités, de confronter la législation nationale avec le droit communautaire ». Enfin que « les relations entre les institutions européennes et les Etats membres doivent être empreintes de respect ».

Sur le fond du dossier, ajoute M. Van Rompuy, le Conseil européen sera saisi du problème des roms dans l’une de ses prochaines réunions. Il devra se rappeler que la non-discrimination est une des valeurs fondamentales de l’Union. M. Van Rompuy ne désavoue ni Nicolas Sarkozy ni Viviane Reding. Un jugement de Salomon ? Peut-être mais c’est ainsi que le président du Conseil européen veut affirmer son autorité.

Les deux grands défis

Pour lui les deux grands défis auxquels il est urgent de s’attaquer sont l’établissement d’un « gouvernement économique » de l’Europe et le renforcement de la place de l’UE dans le monde. Sur ces deux sujets, M. Van Rompuy entend bien faire entendre sa voix.

De la crise financière, à laquelle l’Europe, dit-il, a su résister, même s’il lui a fallu du temps pour trouver « un juste équilibre entre le principe de solidarité et le principe de responsabilité », il tire trois « leçons politiques ».

La première est que l’UE devra vivre avec une union monétaire sans union budgétaire. « Nous n’allons pas faire le grand saut vers une union budgétaire, souligne-t-il, nous ferons ensemble un pas, petit peut-être, dans la bonne direction et des pas cumulés feront un grand pas ». L’euro peut survivre à ce « handicap structurel », ce « péché originel », à condition que la surveillance soit renforcée et que les mesures prises soient appliquées.

Deuxième leçon : les chefs d’Etat et de gouvernement jouent un rôle-clé dans le fonctionnement de la machine européenne. Pour M. Van Rompuy, « le Conseil européen est le lieu où les uns et les autres peuvent trouver des solutions communes, donc européennes ». Il est vain d’opposer la méthode communautaire à la méthode intergouvernementale. Chaque institution doit jouer son rôle.

Principe de transfert et principe de participation

Troisième leçon : l’Europe a toujours avancé grâce à deux principes : le « principe de transfert », au nom duquel les Etats transfèrent des éléments du pouvoir national à l’Union, et le « principe de participation », au nom duquel ils interviennent directement. « Une Europe uniquement fondée sur le principe de transfert risque de perdre sa légitimité, une Europe uniquement fondée sur le principe de participation risque d’éclater », estime M. Van Rompuy. Les deux principes doivent donc coexister.

L’Europe ne peut plus se permettre d’être marginalisée, comme elle l’a été à Copenhague en décembre 2009, conclut le président du Conseil européen. Elle doit être « un acteur mondial » mais elle ne peut l’être que si tous les Européens envoient « le même message ». Pour M. Van Rompuy, « on n’a plus d’autre choix qu’une approche globale, sinon on ne sera pas pris au sérieux ».