L’Iran, l’Europe et l’espace de la diplomatie

Au lendemain de l’assassinat du général Ghassem Soleimani, qui a provoqué un échange de menaces guerrières entre Washington et Téhéran, les Européens tentent de calmer le jeu en invitant les principaux protagonistes à choisir la voie de l’apaisement plutôt que celle de la surenchère. La démarche souhaitée tient en un mot : la diplomatie. Les parties en présence doivent, selon les Européens, renoncer à l’usage de la force. Au langage des armes doit succéder celui de la négociation. La diplomatie est au cœur de la politique étrangère de l’Union européenne, dont l’action extérieure est fondée en priorité sur la recherche du dialogue et la résolution pacifique des conflits.

Faire preuve de retenue

Fidèle à cette approche, la nouvelle présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, ancienne ministre allemande de la défense, a appelé, lundi 6 janvier, à « mettre fin au cycle de la violence » afin qu’« un espace soit à nouveau donné à la diplomatie ». En attendant, elle a demandé aux deux adversaires de « faire preuve de retenue ». Le moment est venu, a-t-elle encore dit, « d’activer toutes les voies diplomatiques ». Le haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, Josep Borrell, a dénoncé, après les frappes iraniennes sur des bases américaines, « un nouvel exemple d’escalade et de confrontation accrue », ajoutant : « Il n’est dans l’intérêt de personne d’alimenter la spirale de la violence ».
Les dirigeants des trois Etats européens signataires de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien – l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni – se sont exprimés à peu près dans les mêmes termes. « Il est à présent crucial d’opérer une désescalade, ont déclaré dans un communiqué commun Angela Merkel, Emmanuel Macron et Boris Johnson. Nous appelons tous les acteurs à montrer le maximum de retenue et de responsabilité ». Des contacts ont aussitôt pris entre les chancelleries pour favoriser une « désescalade ». « Nous sommes en contact depuis des jours avec les parties », a souligné le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, tandis que son homologue britannique, Dominic Raab, appelait à une solution diplomatique.

Une sorte de médiation

Pour le moment, le message des Européens, relayé par la Russie, la Chine et la Turquie, semble avoir été entendu. Aucun acte irréparable n’a été commis de part et d’autre. Chacune des deux parties, en dépit d’une rhétorique belliqueuse, a gardé jusqu’ici le contrôle de ses pulsions agressives. Aussi bien le guide suprême, du côté de l’Iran, que le président Trump, du côté des Etats-Unis, se sont abstenus, après l’assassinat du général Ghassem Soleimani suivi de représailles iraniennes mesurées, d’aggraver une situation qui risquait de leur échapper. Les Européens tentent de mettre à profit la relative modération des belligérants en leur proposant une sorte de médiation.
Ce n’est pas la première fois que l’Union européenne offre ses services pour favoriser le retour de la paix. Le meilleur exemple est l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015 par les membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne. Les trois pays européens ont été des acteurs importants de la négociation. Au moment où Donald Trump les invite à sortir de cet accord, comme les Etats-Unis l’ont fait en 2018, ils exhortent Téhéran à le respecter. « Nous appelons l’Iran à retirer toutes les mesures qui ne sont pas conformes à l’accord nucléaire », ont déclaré les trois dirigeants. Pour les Européens, la sauvegarde de cet accord est un impératif. C’est l’une des raisons de leur engagement dans le conflit entre l’Iran et les Etats-Unis.

La lutte contre Daech

Une autre raison est la lutte qu’ils mènent contre l’organisation Etat islamique au sein de la coalition internationale conduite par les Etats-Unis. Cette lutte est déclarée prioritaire par les trois pays. Or Washington ne semble plus sur la même longueur d’ondes. Alors que pour les Européens le combat contre le terrorisme est loin d’être gagné, il pourrait passer au second plan des préoccupations des Américains, dont la priorité est désormais l’affrontement avec les chiites pro-iraniens en Irak. Les Européens souhaitent donc limiter cet affrontement pour permettre la reprise des opérations contre les djihadistes.
La paix armée entre l’Iran et les Etats-Unis est fragile. Et l’Union européenne n’a pas les moyens d’imposer sa volonté, en raison de sa faiblesse sur la scène internationale et des divisions qui trop souvent paralysent son action. Mais elle a raison de chercher à faire entendre sa voix en cherchant les conditions d’un accord et en rendant toute sa place à la diplomatie. Dans une conversation téléphonique avec le président iranien Hassan Rohani, Emmanuel Macron a assuré son interlocuteur de la détermination de la France à « travailler à l’apaisement des tensions ». Cette détermination doit être aussi celle de l’Europe, même si celle-ci ne doit pas se faire beaucoup d’illusions sur son pouvoir véritable.