L’OTAN en question

Que retenir de la séquence diplomatique de la mi-juillet, ouverte le 11 par le sommet annuel de l’OTAN et close le 16 par la première rencontre bilatérale entre Donald Trump et Vladimir Poutine ? Le compromis final entre les vingt-neuf Etats membres sur les conditions de fonctionnement de l’institution transatlantique ? Ou le conflit persistant entre les Etats-Unis et l’Europe sur le « partage du fardeau », mis sur la table par le chef de la Maison-Blanche ? Faut-il s’en tenir aux déclarations consensuelles qui ont conclu le sommet et réaffirmé la vocation de l’alliance ? Ou faut-il s’inquiéter de la faille qui s’est creusée entre les deux rives de l’Atlantique et qui pourrait s’élargir demain sous l’impulsion de l’imprévisible président américain ?

A vrai dire, s’il y a lieu de se réjouir de l’accord qui a permis aux Etats de masquer, sinon de réduire, leurs divergences, on aurait tort d’oublier les querelles et les procès d’intention dont la préparation du sommet transatlantique a donné le spectacle. La situation est assurément préoccupante. La réunion de l’OTAN a été précédée en effet de violentes attaques de Donald Trump contre ses alliés européens, accusés de ne pas payer assez pour la défense commune et sommés d’augmenter fortement leur budget militaire. Le président américain avait naguère jugé « obsolète » l’organisation de l’alliance atlantique. Il n’a pas repris cette formule mais il n’a cessé, depuis son élection, de prendre ses distances avec les Européens, au risque d’affaiblir l’alliance en se livrant à des marchandages sur la protection américaine qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’esprit de la relation transatlantique.

Donald Trump a saisi toutes les occasions pour morigéner ses partenaires du Vieux Continent. Il a choisi de lier la question militaire à la question commerciale, sur laquelle il se plaint de l’inégalité entre son pays et l’Europe. Il s’en est pris avec virulence à Angela Merkel, accusant l’Allemagne d’être prisonnière de la Russie du fait de sa dépendance énergétique et de ne rien donner aux Etats-Unis en contrepartie de la protection militaire que ceux-ci lui assurent. « Ils paient des milliards de dollars à la Russie et nous devons les défendre contre la Russie », a-t-il lancé. Le président américain n’a pas hésité non plus à présenter l’Union européenne comme un ennemi parce que, selon lui, elle traite « très mal » et « très injustement » les Etats-Unis. Les Européens ont donc de bonnes raisons de se demander s’ils peuvent vraiment compter sur le soutien de Washington en cas de crise.

Leur inquiétude est d’autant plus vive qu’ils soupçonnent Donald Trump d’une certaine complaisance à l’égard de Vladimir Poutine. Ils redoutent qu’il se montre plus accommodant que nécessaire avec le président russe. N’a-t-il pas exprimé le vœu d’établir avec Moscou une « relation extraordinaire », dans la logique de la politique de puissance que prônent à la fois le chef de la Maison-Blanche et le maître du Kremlin, à rebours du multilatéralisme défendu par les Européens ? La rencontre d’Helsinki entre les deux présidents ne peut qu’accroître les alarmes des pays du Vieux Continent. Aux Etats-Unis même, l’attitude de Donald Trump, qui a refusé de condamner les ingérences russes dans la campagne présidentielle américaine, a choqué. « Qu’est-ce qui peut bien pousser Donald Trump à mettre les intérêts de la Russie au-dessus de ceux des Etats-Unis ? », a déclaré le chef de l’opposition démocrate au Sénat, Chuck Schumer.

Les Européens sont ainsi fondés à considérer les provocations du président américain comme des menaces sérieuses. Certes le sommet de l’OTAN n’a pas abouti à la rupture que certaines redoutaient. Au contraire. Les Etats membres ont renouvelé leur promesse de consacrer en 2024 2% de leur PIB à leur défense, même si certains, comme l’Allemagne, traînent des pieds. Les Etats-Unis, de leur côté, ont confirmé leur engagement militaire auprès de leurs alliés. Tout porte à croire que les propos abrupts tenus par Donald Trump à leur égard étaient d’abord destinés à l’opinion américaine alors qu’approchent les élections de mi-mandat. Il n’empêche. Le doute qu’instille la Maison-Blanche dans l’esprit de ses partenaires fragilise l’alliance atlantique. Il ne favorise pas les indispensables relations de confiance entre les Etats-Unis et leurs amis européens.