Au Conseil européen des 16 et 17 décembre les Vingt-Sept n’ont pas seulement débattu de la révision du traité de Lisbonne et de la création d’un mécanisme permanent de stabilité financière, ils se sont aussi mis d’accord sur la relance des « partenariats stratégiques » avec les « acteurs-clés » de la politique internationale et, plus particulièrement, avec les Etats-Unis.
En septembre, les chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient mis d’accord pour « imprimer un nouvel élan » aux relations extérieures de l’Union européenne, à commencer par la relation transatlantique, considérée comme « un élément essentiel du système international ». En application de cette décision, Catherine Ashton, haute représentante pour la politique étrangère, a soumis au Sommet de Bruxelles un premier rapport présentant l’état d’avancement de la réflexion sur les relations de l’Union européenne avec ses « partenaires stratégiques ».
Le Conseil l’a invitée à poursuivre ses travaux « en définissant des intérêts communs européens et en recensant tous les moyens qui pourraient être mis au service de ces intérêts ». Outre les Etats-Unis, les partenariats stratégiques concerneront les grands pays émergents tels que la Chine, l’Inde, le Brésil ou la Russie. Ils doivent notamment permettre à l’Union européenne de prouver aux Etats-Unis sa volonté de jouer un rôle majeur sur la scène internationale.
« Si nous ne savons pas ce que nous voulons... »
Mme Ashton a ainsi mis en garde les Vingt-Sept contre la tentation de Washington de se détourner de l’Europe si celle-ci se montre incapable de développer une politique étrangère cohérente. Selon la haute représentante, pour être prise au sérieux par les Etats-Unis, l’Union européenne doit leur apparaître comme un partenaire efficace et fiable. « Si nous ne savons pas ce que nous voulons, a-t-elle notamment déclaré, les Etats-Unis porteront leur attention ailleurs ».
La haute représentante a défendu le principe des « partenariats stratégiques » de l’UE avec le reste du monde en notant que ceux-ci sont de nature à convaincre Washington de ses bonnes intentions. Elle a estimé que l’Union européenne retiendrait l’attention des Etats-Unis « en bâtissant des liens solides avec la Russie, la Chine, le Japon, le Brésil, l’Afrique ». La meilleure façon pour l’Europe d’exercer son influence par rapport aux Etats-Unis, a-t-elle conclu, est d’afficher son unité et sa volonté.
Les regrets de Simon Serfaty
La détermination de l’Union européenne, telle que l’a proclamée Mme Ashton à Bruxelles, devrait rencontrer un écho favorable outre-Atlantique, si l’on en juge par les déclarations de Simon Serfaty, professeur de relations internationales, conseiller senior du programme Europe du Centre for Strategic and International Studies (CSIS), un centre de recherches basé à Washington. M. Serfaty était l’invité, jeudi 16 décembre à Paris, de la Fondation Robert-Schuman. Il a regretté que l’Europe se montre « trop timide » en politique étrangère et qu’elle « ne s’exprime pas assez » sur les grands enjeux mondiaux.
Selon lui, les Etats-Unis, qui ont perdu le monopole de la puissance dans un monde devenu « a-polaire », sont prêts à accepter un partenariat d’égal à égal avec l’Union européenne si celle-ci s’en donne les moyens. M. Serfaty s’étonne que les Européens n’aient pas répondu positivement à l’appel lancé en ce sens par le président Obama à Strasbourg en avril 2009. Attitude d’autant plus regrettable, a-t-il ajouté, que la disponibilité de M. Obama pourrait ne pas durer.
L’Europe bloquée
Le traité de Lisbonne « a un peu déçu », note M. Serfaty, qui se dit surpris du choix des personnes chargées de diriger les nouvelles institutions. Ces personnes, selon lui, manquent soit de compétence soit de visibilité. M. Serfaty estime en outre que Mme Ashton n’a pas assez de moyens pour mettre sur pied le nouveau service diplomatique et que ses premiers choix ont été « trop politisés ». Il affirme que le refus de M. Obama de participer au sommet euro-américain d’avril 2010 s’explique par la complexité des nouvelles institutions européennes. « Il ne savait pas qui s’adresser », dit-il avant de souligner que M. Obama est « le moins Européen des présidents américains des cinquante dernières années ».
Le chercheur américain souhaite que l’Europe, en laquelle il continue de croire, renforce ses liens avec les Etats-Unis. Il se dit favorable à un « ménage à trois » dont le troisième partenaire devrait être l’Inde, et non la Chine, comme le soutiennent à tort, selon lui, ceux qui parlent d’un G2 sino-américain. Malheureusement, constate-t-il, « l’Europe, en dépit de ses avancées extraordinaires, semble aujourd’hui bloquée ». Elle est trop souvent « à la traîne des événements » et à la traîne des Etats-Unis.